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Prohiber la culture à domicile est «paternaliste», dit une ancienne ministre de la Justice

Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — En plus d’être «paternaliste», l’interdiction de faire pousser du cannabis à domicile, comme celle que souhaitent décréter les gouvernements du Québec et du Manitoba, est «impossible à appliquer», d’après l’ancienne ministre fédérale Anne McLellan.

La prohibition de la culture à la maison va par ailleurs «à l’encontre de la logique», puisque le cannabis sera un produit légal dès lors que le projet de loi fédéral C-45 sera adopté, a-t-elle ajouté en mêlée de presse après un témoignage en comité sénatorial, mercredi.

«L’État dit: « Nous avons légalisé ceci, mais en passant, nous ne vous faisons pas confiance pour en faire pousser vous-mêmes, alors qu’on vous permet de faire pousser du tabac, on vous permet de faire du vin »», a-t-elle lancé.

«Si vous légalisez le produit de la plante, voulez-vous bien me dire comment on peut interdire d’en faire pousser? C’est presque trop paternaliste, n’est-ce pas?», a-t-elle offert en affirmant ne pas ainsi vouloir «commenter la logique du gouvernement du Québec».

Ex-ministre libérale de la Justice et de la Santé, Anne McLellan présidait le groupe de travail dont les recommandations ont fortement inspiré la rédaction de la mesure législative du gouvernement de Justin Trudeau.

Devant le comité permanent des affaires sociales, sciences et technologie du Sénat, qui étudie le projet de loi, elle a été maintes fois questionnée sur l’épineuse question de la culture de plants de cannabis à domicile.

À chaque fois, elle a vigoureusement plaidé qu’elle ne voyait pas comment on pouvait interdire la pratique dans la mesure où elle est balisée — la quantité doit être limitée, le produit doit être pour usage personnel, et les plants, dans un endroit sécurisé et hors de la portée des enfants.

De toute façon, la plupart des Canadiens s’approvisionneront fort probablement en magasin plutôt que de se mettre au jardinage, croit le vice-président du groupe de travail, Mark Ware, qui témoignait aussi en comité.

«Si c’est légal d’acheter en ligne ou dans un point de vente, pourquoi cultiver le cannabis à la maison? Ce n’est pas une plante facile à cultiver, ça nécessite une certaine expertise, alors on pense que la plupart des gens vont acheter le cannabis», a-t-il expliqué.

Il a par ailleurs noté qu’une production d’un maximum de quatre plants est loin d’en être une à large échelle, et que l’opération ne nécessite pas d’installations qui pourraient représenter une menace pour la sécurité à domicile.

Une loi qui interdirait la production à si petite échelle serait ainsi «impossible à appliquer», a noté Mme McLellan: «Les policiers ne savent pas, à moins que ce soit une production à grande échelle que l’on peut retracer grâce à la consommation d’électricité aux plaintes de voisins».

Le groupe de travail sur la légalisation du cannabis avait proposé de permettre «une limite de quatre plantes par résidence».

Une recommandation que le gouvernement fédéral a fait sienne, mais que le gouvernement québécois rejette vigoureusement, préconisant la tolérance zéro pour la culture de cannabis — à tout le moins pour les débuts.

Choc Québec-Ottawa

Le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-Marc Fournier, a fait une nouvelle sortie mercredi pour exhorter Ottawa à le laisser faire comme il l’entend sur le plan de la culture à domicile.

«Puisque la décision du fédéral entraînera un nouvel espace législatif concernant le cannabis, il revient aux provinces d’exercer leur compétence pour encadrer les aspects qui s’y trouvent, comme la production et la commercialisation», argue-t-il dans une lettre ouverte.

La semaine dernière, le premier ministre Justin Trudeau a fait grincer des dents en clamant que «l’approche qu’on a préconisée et qu’on met de l’avant dans la loi fédérale, c’est la bonne, et c’est celle-ci qu’on va s’attendre à ce que les gens suivent».

Qui a raison? N’ayant pas perdu ses réflexes de politicienne, Anne McLellan a refusé de se mouiller, mercredi. «Je ne commenterai pas sur les arguments constitutionnels mis de l’avant par le gouvernement du Québec ou le gouvernement du Canada», a-t-elle lâché.

Son témoignage n’a pas convaincu le sénateur conservateur Ghislain Maltais. «Le citoyen, qu’est-ce qu’il va penser de ça? On va voir des choses invraisemblables; les gens sont pris entre deux lois», a-t-il déploré après la rencontre du comité sénatorial.

Un autre comité du Sénat, celui des affaires juridiques et constitutionnelles, a unanimement recommandé la semaine dernière de clarifier dans C-45 que les provinces qui veulent interdire de faire pousser du cannabis à la maison, comme le Québec et le Manitoba, peuvent le faire.

Le vote final sur le projet de loi doit se tenir au plus tard le 7 juin à la chambre haute. Même si tout se passe comme prévu, le pot ne serait cependant pas légal avant huit ou 12 semaines, le temps que les provinces et territoires mettent leur régime de vente en place.

Et c’est si tout se passe en effet comme prévu.

«Il y a de la division au Sénat. Et il y aura des amendements», a averti le sénateur libéral indépendant Jim Munson en comité, mercredi.

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