Reprise de possession
Est-ce que les rues fermées pour le Marathon de la fin de semaine dernière vous ont fait sacrer? Non, ne répondez pas tout haut, je ne veux pas vous entendre. On tient un vote secret sur la question parce qu’il y a bien des chances que vous auriez à subir ensuite l’opprobre de ceux qui ne pensent pas comme vous. Vous savez comment c’est. Dans ce monde qui pense bien, avouer qu’une fermeture de rue nous dérange, surtout quand il s’agit d’un événement sportif, équivaut ni plus ni moins à dire qu’on n’aime pas les enfants. Alors, on garde ça pour soi, OK?
Habituellement, la réplique qu’on nous sert à propos des rues barrées, c’est qu’il s’agit d’une manière de nous réapproprier ce qui nous appartenait jadis. Comme si la rue nous avait déjà appartenu… Le phénomène des fermetures remonte en gros aux premiers Festivals de jazz, il y a plus ou moins 30 ans.
Ensuite, ce fut au tour de Juste pour rire. À peu près en même temps, on a commencé à faire des ventes- trottoirs. Une fois par année sur Saint-Hubert et sur Saint-Laurent. Ensuite, on est passé à deux. Puis, on a décidé, et pourquoi pas, d’en tenir aussi sur Mont-Royal. Sans compter la rue Sainte-Catherine, qui est quant à elle fermée chaque été dans le Village depuis quelques années pour accueillir des terrasses à broue. À travers tout ça, il y a le Tour de l’Île, les activités de la Formule Un, la parade de la Fierté gaie, la Carifête, et j’en passe.
Ce qui était jadis exceptionnel – seuls le petit saint Jean-Baptiste et son ami le père Noël pouvaient faire fermer une rue à Montréal – est maintenant devenu monnaie courante. Et malheur à celui qui dira que le phénomène le dérange. C’est toujours la même histoire. «Eille, pour une fois…» Ben là, «pour une fois» est devenu «plein de fois». Est-ce que ça me dérange? Je vous l’ai dit en début de chronique que c’était un vote secret, ça fait que je vais garder ça pour moi.
Sauf qu’il y a plein de monde qui passe son temps à sacrer devant des panneaux de déviation qui, habituellement, ne mènent nulle part. Si on a développé une expertise fantastique pour fermer une rue à Montréal, on a par contre oublié de repenser la science du trajet alternatif. «Eille, pour une fois…» C’est aussi ce qu’ils doivent se dire dans les bureaux de la Ville.
Pourrions-nous demander à nos fonctionnaires et aux forces policières montréalaises de remédier enfin à la situation? «Pour une fois», me semble que ça ne serait pas trop demander…
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Parlant de l’appropriation de l’espace urbain lors du Marathon, des résidants qui habitent au coin des rues des Érables et Saint-Joseph se demandent encore aujourd’hui pourquoi les haut-parleurs installés pour l’occasion se sont mis à cracher du Black Sabbath et du Bon Jovi dès 8 h dimanche matin? Surtout pour accueillir des coureurs qui sont arrivés là… quelque deux heures plus tard.
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Suis allé au Stade olympique pour entendre le miracle de sonorisation annoncé pour le spectacle de Marc Anthony. Dommage, le miracle, il n’a pas eu lieu. Le stade, malgré tous les efforts, demeure encore et toujours une structure bétonnée avec ses multiples et inévitables poches d’écho. Le monde s’est quand même bien amusé, mais, de grâce, qu’on cesse de vouloir faire «spinner» la nouvelle que tout sonnait parfaitement vendredi soir, c’est archi-faux.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.