Action collective des «Courageuses»: Gilbert Rozon veut en appeler du jugement
MONTRÉAL — Gilbert Rozon veut en appeler du jugement qui a autorisé l’action collective des «Courageuses» contre lui. Le fondateur de Juste pour rire a déposé plus tôt en juillet une demande pour obtenir la permission de la Cour d’appel afin de pouvoir présenter ses arguments — et faire annuler cette autorisation.
Selon lui, il semble que le juge Donald Bisson de la Cour supérieure — qui a donné son feu vert à l’action — ait voulu faciliter la dénonciation d’actes d’agression sexuelle. «Un objectif louable, certes, mais étranger aux critères d’autorisation de l’action collective», peut-on notamment lire dans la requête pour permission d’en appeler.
L’homme de 63 ans a été poursuivi par un groupe de femmes qui se sont donné le nom «Les Courageuses». Elles accusent l’ex-producteur de harcèlement et d’agressions sexuelles et lui réclament des dommages — dont des dommages exemplaires — pour ce qu’elles allèguent avoir subi. Selon le groupe, M. Rozon aurait fait au moins 20 victimes sur une période de 34 ans, de 1982 à 2016, ce que réfute fermement le producteur. Outre Patricia Tulasne, qui est la représentante du groupe, on ignore l’identité des autres femmes.
Ces allégations n’ont pas encore subi le test des tribunaux, et aucune accusation criminelle n’a été déposée contre Gilbert Rozon.
Dans sa requête pour permission d’en appeler du jugement d’autorisation, Gilbert Rozon prétend qu’il est truffé d’erreurs, non seulement quant aux critères qui doivent être rencontrés pour pouvoir intenter une action collective — qui ne sont permises qu’à certaines conditions — mais aussi quant à l’interprétation que le magistrat a donnée aux faits de cette affaire.
L’audition de cette demande en Cour d’appel est prévue pour le 15 août.
Le juge Bisson avait autorisé l’action collective le 22 mai dernier.
Il avait alors accordé aux «Courageuses» le droit de réclamer, au nom de toutes «les personnes agressées et/ou harcelées sexuellement par Gilbert Rozon», jusqu’à 10 millions $ en dommages punitifs, en plus des dommages moraux et pécuniaires.
Les erreurs faites par le juge Bisson sont déterminantes, dit l’homme d’affaires bien connu, car sans elles, l’action n’aurait pas été autorisée, est-il écrit dans la requête dont La Presse canadienne a obtenu copie.
Le jugement est «sans précédent», car il ne vise qu’une seule personne et non pas une institution d’enseignement ou religieuse comme ce fut le cas de la majorité des actions collectives intentées pour agressions sexuelles dans le passé — où les victimes étaient des enfants ou des personnes handicapées. Il y avait alors présomption de non-consentement, ces personnes vulnérables ne pouvant en aucun cas dire oui à une activité sexuelle.
Ici, l’absence de consentement ne peut être présumée, ce qui fait que cette preuve doit être faite de façon individuelle pour la quasi-totalité des victimes alléguées, est-il écrit.
Bref, M. Rozon fait notamment valoir qu’il n’y a pas de lien commun entre les fautes alléguées, ni entre les femmes du groupe et leurs situations respectives. Il y a donc un lien insuffisant pour constituer un groupe valide comme base de l’action collective.
Chaque situation devra être analysée séparément pour conclure s’il y a faute ou pas, ajoute-t-il.
M. Rozon soutient que le juge Bisson a été influencé par des «considérations sociales étrangères» en analysant les critères donnant ouverture à une action collective, et cela, parce qu’il s’agissait d’une affaire d’agressions sexuelles.
«Cette considération de politique générale est d’ailleurs omniprésente tout au long du jugement, à tel point qu’elle prend le dessus sur l’analyse des critères requis par la loi».
Le juge a donné une «attention démesurée» à la nécessité de faciliter la dénonciation d’agression, argue M. Rozon par la bouche de ses avocats. L’appel devrait être accordé pour que les critères soient appliqués de façon uniforme, peu importe le type d’action.
Dans sa décision du 22 mai, le juge Bisson écrivait que selon lui, «le véhicule procédural de l’action collective a démontré son efficacité dans les dossiers d’agressions sexuelles puisqu’il a permis à des centaines de victimes d’avoir accès à la justice au Québec».
Si «Les Courageuses» n’étaient pas autorisées à intenter leur action, «il est fort probable que de très nombreuses victimes seraient privées de l’exercice de leurs droits», poursuivait-il dans son jugement de 40 pages.
Dans la foulée des allégations d’agression rapportées dans des médias en octobre dernier, Gilbert Rozon avait démissionné de ses fonctions de président du Groupe Juste pour rire et son entreprise a depuis été vendue.