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L’immigrant parfait

Josie Desmarais/Métro Photo: Josie Desmarais/Métro

Pas de surprise: François Legault a replacé la question identitaire bien au centre de sa compagne électorale. Il s’agirait d’une réaction aux derniers sondages qui montrent une tendance à la baisse pour la CAQ, selon les analystes. Ils n’ont pas tort. Quand ça va mal, on détourne l’attention des électeurs en mettant l’emphase sur un enjeu sensible et délicat qui divise les électeurs en deux camps: pour et contre. On joue ensuite sur le côté émotionnel, ravivant la peur et se plaçant dans la position du sauveur, rempart contre un danger artificiellement gonflé et exagéré. «Wedge Politics» 101.

Le PQ a essayé ce genre de tactique en 2014 avec sa fameuse charte. Ça n’a pas bien fonctionné. La CAQ semble s’y remettre avec ses deux promesses centrales sur l’immigration: diminuer le nombre d’immigrants au Québec de 50 000 à 40 000, et leur imposer un test de valeurs et un test de français qu’ils devront réussir au bout de trois ans, au risque d’être expulsés s’ils y échouent. L’argument de M. Legault étant le suivant et je cite: «Il y a un risque […] que nos petits-enfants ne parlent plus français.» Grotesque. Parce que la très grande majorité des immigrants finissent par parler français, comme 94,5% des Québécois (Recensement 2016), et parce qu’il y a la loi 101, évidemment. Nos petits-enfants et leurs petits-enfants parleront français. Vous pouvez dormir tranquille, M. Legault. Inventer un problème de toutes pièces, en faire un enjeu central, l’exagérer, faire peur, crier au loup, blâmer les autres – les immigrants –, proposer de fausses solutions à un faux problème, s’établir en sauveur de la langue et de l’identité nationale… c’est ça, la tactique de la CAQ.

Une bonne amie m’a récemment dit qu’il y a un concept fondamental qui caractérise le débat autour de l’immigration, c’est celui de l’immigrant parfait. Personne n’ose le décrire, mais on peut le reconnaître dans les paroles et les positions de certains politiciens et de plusieurs de nos concitoyens: francophone, francophile, laïc, non croyant ou catholique, au pire, très éduqué, cultivé, en bonne santé, travaillant en silence, payant ses impôts sans rien revendiquer et sans chialer, totalement reconnaissant envers le Québec et les Québécois, docile et résigné, et pourquoi pas, blanc, blond aux yeux bleus. Mon amie exagère un peu, c’est son genre, mais elle a raison quelque part. L’immigrant parfait n’existe pas et il est chimérique de vouloir façonner nos politiques en fonction de ce modèle imaginaire.

Un des messages les plus intéressants que j’ai écoutés sur ce sujet est celui de Catherine Dorion, candidate de QS dans Taschereau, à Québec, diffusé à RDI: «Moi, je trouve ça débile que, chaque fois qu’on parle d’immigration, on en parle toujours comme des chiffres, de la main-d’œuvre ou bien comme des gens qui viennent nous envahir. Ces immigrants-là sont des gens, des humains qui ont choisi le Québec.» Il est peut-être temps qu’on humanise ce débat et qu’on arrête d’en faire un sujet de division et de peur.

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