Êtes-vous commensaliste?
Le client a toujours raison. Enfin, c’est ce qu’on répète quand un commerçant a la mauvaise idée de faire suer ceux qui lui permettent d’exister. Cela étant dit, se pourrait-il que, parfois, le client la perde. La raison,
je veux dire…
La semaine passée, la direction de la chaîne de restaurants Le Commensal a annoncé que, dorénavant, il y aurait du poulet, des crevettes et du crabe à son menu. Tout en conservant sa distinction végétarienne, c’est bien entendu. Craignant manifestement la réplique des intégristes qui font partie de sa clientèle, le propriétaire des restos a même eu recours à un mot inusité pour justifier ces ajouts au buffet : le flexitarisme. Pour plusieurs – ce fut mon cas –, c’était la première fois qu’ils entendaient parler de ce concept de végétarisme élastique qui accorde le droit, à certains adeptes, de mettre dans leur assiette de la volaille et des produits de la mer une fois de temps en temps. Est-ce grave à ce point? Aux yeux de certains, ça a l’air que oui. On parle même de trahison idéologique. Wooooooo…
Il arrive qu’on puisse développer un certain attachement à un commerçant ou à ses produits. Mais là… Les commensalistes (sic) se sont fait aller joyeusement le mâche-salade. Enwèye, les appels au boycott, les accusations de trahison, et j’en passe et des pires. Je vous rappelle qu’il est ici question d’une chaîne de restaurants qui a décidé de modifier légèrement son offre. Pas d’une secte ni d’un quelconque ordre religieux qui abuse de ses adeptes. À ce compte-là, j’ose à peine imaginer le soulèvement des dagiovannistes si, un jour, les pâtes au blé entier faisaient leur apparition dans les marmites du légendaire établissement de la rue Sainte-Catherine…
Ce qui m’énerve dans tout ça, ce n’est pas qu’un habitué de la place manifeste son désaccord avec une pratique commerciale. Je l’ai écrit d’entrée de jeu, le client a toujours raison, c’est son droit le plus élémentaire. Mais transformer ce qu’on n’accepte pas en quelque chose d’absolument intolérable, il y a là quelque chose de dérangeant. C’est une tendance manichéiste qui semble aller en grandissant ici. Une tendance qui laisse entendre qu’il n’y a qu’un seul dépositaire de la vérité et que tous les autres sont dans le champ. Essayez d’échanger avec un ayatollah du vélo (bon, je vois déjà venir la volée de bois vert…) et vous verrez ce que je veux dire.
Dans le grand buffet des dogmes, je choisirai toujours ce qui favorise le plus beau cadeau dont on puisse
disposer : le choix.
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Lu De quoi le Québec a-t-il besoin en éducation?, un recueil d’entretiens réalisés par le trio formé de Marie-France Bazzo, Jean Barbe et Vincent Marissal. Avec le printemps de contestation étudiante qu’on vient de traverser, la question mérite plus que jamais d’être posée. Il y a dans ce livre des pistes de réflexion fort intéressantes. Seul petit bémol, on y traite beaucoup de la réforme de la machine, mais relativement peu du rôle et de l’importance de l’enseignant dans ladite machine éducationnelle. Qui dit école, dit transmission du savoir. Pour qu’il y ait transmission, il doit y avoir un récepteur (l’élève) et un émetteur (l’enseignant). On n’en sort pas. Tant que le rôle de l’enseignant ne sera pas valorisé, et ce, partout en Occident, toute réflexion et tout projet de réforme demeureront stériles. Cela dit, le bouquin met le doigt sur plusieurs points qui méritent un profond questionnement. C’est à lire. Parce que ça nous concerne. Nous tous.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.