Kahnawake veut légaliser le cannabis à sa façon
MONTRÉAL — Pour le territoire mohawk de Kahnawake, la légalisation du cannabis est une occasion de corriger les erreurs du passé sur le tabac.
Les cabanes à cigarettes qui vendent des cartouches sans taxe de vente pullulent dans la communauté de la rive sud du fleuve Saint-Laurent et leurs propriétaires n’ont aucune obligation de redistribuer leurs revenus aux citoyens, explique Joe Delaronde, porte-parole du Conseil mohawk.
Le gouvernement fédéral a fait partie du problème, ajoute-t-il, «donnant des permis de tabac bon gré mal gré».
«Les gens en sont devenus très frustrés au fil du temps, poursuit M. Delaronde. Et même si certaines personnes ont donné en retour, certaines ont tout empoché.»
Cependant, alors que les lucratifs comptoirs de tabac abondent à Kahnawake, la vente, la distribution ou la production de cannabis demeurent illégales sur le territoire autochtone.
Kahnawake procède présentement à la rédaction de sa propre législation sur le cannabis et prend son temps pour s’assurer que les préoccupations des citoyens sont entendues, mentionne le porte-parole.
«Nous devons créer un lien de confiance, affirme-t-il. Nous avons besoin de nos propres lois pour nous assurer de garder le contrôle.»
Les opinions sur la légalisation du cannabis sont divisées à Kahnawake.
Le conseil a récemment publié les résultats d’un sondage d’opinion mené auprès de 425 membres de la communauté. Une proportion de 55 pour cent des gens sont «en accord ou fortement en accord» avec l’idée d’autoriser la vente légale de cannabis sur le territoire.
Le projet de Kahnawake pourrait être adopté avant Noël, selon M. Delaronde, mais les comités doivent encore créer une série de règles et de règlements complémentaires, ce qui garantira que la législation finale n’entrera en vigueur que beaucoup plus tard.
Le conseil cherche également à déterminer si la communauté va imposer des «redevances» sur les ventes de cannabis et comment elle pourrait procéder. On étudie aussi la possibilité de taxer les non-autochtones qui se rendraient acheter du cannabis sur le territoire de la communauté.
Joe Delaronde croit que l’imposition d’une redevance pourrait faire en sorte que le cannabis ne sera pas vendu moins cher qu’ailleurs au Québec.
«Si le prix est plus bas à Kahnawake, est-ce qu’on encourage nos jeunes à fumer davantage?», s’interroge M. Delaronde.
Le processus juridique en cours à Kahnawake met en évidence la tension qui existe entre le gouvernement fédéral, les provinces et les Premières Nations concernant qui détient l’autorité finale sur la drogue.
Ottawa a légalisé le cannabis le 17 octobre en laissant le soin aux provinces d’élaborer des lois régissant la vente du produit sur leur territoire.
Le Québec, par exemple, interdit toutes les ventes de cannabis en dehors des boutiques gérées par sa société d’État.
Dans d’autres communautés mohawks, dont Kanesatake qui se trouve juste au nord de Montréal, le nombre croissant de dispensaires de cannabis suscite des tensions entre les exploitants, le conseil de bande et la police.
Le ministère de la Santé du Québec confirme que la loi provinciale permet aux communautés des Premières Nations de «conclure des accords» avec la province au sujet du cannabis.
«Aucun accord n’a été signé jusqu’à présent», précise-t-on dans une déclaration transmise à La Presse canadienne.