Stages rémunérés: des milliers d’étudiants en grève
MONTRÉAL — Des milliers d’étudiants postsecondaires entament cette semaine un mouvement de grève dans l’espoir d’obtenir une rémunération et une protection pour les stagiaires.
Selon les Comités unitaires sur le travail étudiant (CUTE), qui chapeautent la campagne, ce serait plus de 32 associations étudiantes et quelque 55 000 étudiants à travers le Québec qui seront en grève au cours de la semaine. Certaines associations ont voté pour une semaine complète de piquetage, tandis que d’autres ont opté pour une, deux ou trois journées.
«Cette semaine, on est en grève pour exiger la rémunération de tous les stages, à tous les niveaux d’études», a expliqué à La Presse canadienne Amélie Poirier, étudiante en sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et militante des CUTE.
Mme Poirier a dit observer que c’est surtout dans les domaines majoritairement féminins que les stages ne sont pas payés. «C’est tout ce qui a rapport aux soins, notamment le travail social, l’enseignement, les soins infirmiers, la sexologie, l’éducation à l’enfance, etc.», a-t-elle illustré.
«On exige aussi la fin de l’exclusion des stagiaires de la Loi sur les normes du travail pour avoir accès à des recours en cas d’accidents de travail ou en cas de harcèlement et d’agression dans les milieux de travail, et aussi pour les congés de parentalité.»
Grève en vue à l’hiver
Le mouvement de grève de cette semaine vise à sonner l’alarme du côté du gouvernement du Québec. Selon les CUTE, le nouveau gouvernement caquiste semble ouvert à l’idée de rémunérer certains stagiaires, mais les militants veulent voir Québec aller plus loin et couvrir l’ensemble des étudiants en stage.
«On demande vraiment une rémunération de tous les stages», insiste Sandrine Boisjoli, étudiante en enseignement au secondaire à l’UQAM et militante aux CUTE.
Le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Jean-François Roberge, se dit sensibilisé «depuis longtemps» à la question de la rémunération des stages, soulignant que lorsqu’elle était dans l’opposition, la Coalition avenir Québec avait appuyé la compensation financière du quatrième stage en enseignement et du stage en psychologie.
M. Roberge estime que les étudiants vont trop vite en mettant en oeuvre des moyens de pression alors que son ministère en est encore à étudier le dossier.
«Les étudiants sont un peu en train de défoncer des portes ouvertes en ce moment. Nous sommes au travail pour faire un état de la situation et ensuite mettre des choses sur la table, puis on discutera avec les associations étudiantes. Mais on est déjà au travail, alors qu’ils se mobilisent ou pas, nous on ramasse toutes les informations», affirme-t-il.
Le spectre d’un conflit étudiant à grande échelle commence par ailleurs à planer pour la prochaine session, puisque Sandrine Boisjoli précise que les étudiants sont prêts à poursuivre les moyens de pression au-delà de cette semaine s’ils n’obtiennent pas une réponse favorable.
«Si à la fin de cette semaine-là, on n’obtient pas la rémunération de tous les stages, donc dans tous les domaines, c’est une grève générale illimitée qui va être enclenchée à l’hiver 2019. Il y a déjà beaucoup de plans d’action qui ont été adoptés par différentes associations étudiantes (…) et c’est en début de session d’hiver 2019 que ces associations-là vont voter avec leurs membres si, oui on non, elles entrent dans une grève générale illimitée à l’hiver», affirme-t-elle.
M. Roberge espère toutefois que cette option ne sera pas mise en oeuvre, puisque son ministère a l’intention de travailler sur le dossier au cours des prochains mois et d’inclure les grandes associations étudiantes dans la discussion.
«Je pense que c’est prématuré, parce qu’il y a beaucoup d’étudiants qui ont choisi de prendre des actions aujourd’hui qui n’étaient pas au courant de l’ouverture du gouvernement. Probablement qu’il y a beaucoup d’étudiants qui ne savaient pas que le ministre était au travail dans ce dossier-là, que le gouvernement faisait une cueillette d’information, qu’on est en contact avec les associations étudiantes», note-t-il.
«Je suis confiant que quand les étudiants seront informés de la situation, ils seront rassurés de voir que le gouvernement est à l’écoute et qu’ils constateront qu’il n’est pas nécessaire de prendre de grandes actions et de faire de grandes mobilisations quand il y a déjà une main tendue.»
Suspension des activités
Le cégep du Vieux-Montréal a annoncé lundi matin la suspension de ses activités d’enseignement pour la journée et la soirée, en raison du piquet de grève établi devant l’établissement tôt en matinée.
La semaine dernière, la direction du cégep Marie-Victorin avait annoncé la levée des cours et la suspension des stages pour la semaine du 19 au 23 novembre, au secteur régulier. Cette décision a été prise à la suite du vote des étudiants de l’établissement en assemblée générale, le 14 novembre. Les étudiants avaient alors opté pour une grève pendant la semaine du 19 novembre.
Ce week-end, l’Association des étudiants en médecine de l’Université McGill a également appuyé la campagne visant à rémunérer les stagiaires.
Le cégep Saint-Laurent à Montréal s’est aussi joint au mouvement, avec des activités de piquetage prévues toute la semaine.
Le mouvement de grève ne touche pas que Montréal. En Outaouais, par exemple, des associations étudiantes de l’Université du Québec en Outaouais ont aussi joint la campagne. Même chose du côté de l’Université Laval à Québec, où l’Association des étudiants prégradués en philosophie fera la grève mercredi. L’Association générale étudiante du campus de Rimouski de l’UQAR a de son côté voté pour une grève les 20, 21 et 22 novembre.
Des manifestations sont prévues à Montréal, Rimouski, Gatineau, Montréal et Sherbrooke, mardi et mercredi, notent les CUTE.