Les demandeurs d’asile coûteront 340M$ aux contribuables
OTTAWA — La cohorte de demandeurs d’asile entrés de façon irrégulière au Canada en 2017-2018 coûtera 340 millions $ aux contribuables, un chiffre qui exclut les services sociaux fournis par les provinces.
C’est deux fois plus que la somme prévue par le gouvernement fédéral pour gérer l’afflux de migrants à la frontière dans le dernier budget fédéral. La preuve, selon les principaux partis d’opposition, qu’il n’a pas pris la situation suffisamment au sérieux.
Le directeur parlementaire du budget (DPB), Yves Giroux, a calculé combien Ottawa doit débourser pour l’ensemble du processus de demandes d’asile, de l’entrée d’un migrant au chemin Roxham jusqu’à ce que sa demande soit traitée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) ou par la Cour fédérale, incluant les coûts de déportation. Le calcul a été demandé par le député conservateur du Manitoba Larry Maguire.
«Le fameux tweet de Justin Trudeau de janvier 2017 va coûter 1,1 milliard $ sur trois ans», a dénoncé son collègue Pierre Paul-Hus, en ajoutant les estimations du DPB pour les années financières 2018-2019 et 2019-2020.
Il faisait référence au message envoyé par le premier ministre Trudeau sur Twitter lorsque le président américain Donald Trump a fermé ses frontières aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane et annoncé qu’il n’accepterait plus de réfugiés. Quelques mois plus tard, des milliers de demandeurs d’asile ont commencé à traverser la frontière au chemin Roxham à Saint-Bernard-de-Lacolle à partir des États-Unis.
«M. Trudeau a lancé une invitation à tout le monde, finalement c’est nous autres qui paie le gros de la facture et il avait nettement sous-estimé ce que ça a coûté», s’est indigné le chef intérimaire du Bloc québécois, Mario Beaulieu, en faisant référence à la demande de compensation du Québec.
«Le coût, pour moi, est associé avec l’approche réactive que le gouvernement a eu», a signalé à son tour le député néo-démocrate Matthew Dubé.
Un retard qui coûte cher
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a intercepté près de 24 000 demandeurs d’asile à la frontière canado-américaine en 2017-2018, dont un nombre important est entré par le Québec.
Cela a créé un retard important dans le traitement des demandes à la CISR. En septembre 2018, l’arriéré était d’environ 65 000 cas, dont 28 000 provenaient de migrants irréguliers.
«Le fait qu’il y a un inventaire qui s’accroît à la CISR démontre clairement qu’il n’y a pas suffisamment de fonds pour traiter l’afflux de migrants irréguliers, a constaté Yves Giroux. Si le gouvernement avait budgété suffisamment, l’inventaire ne s’accroîtrait pas de la façon qu’il le fait présentement.»
Chaque demandeur d’asile arrivé de façon irrégulière au Canada coûte en moyenne 14 000 $, un montant qui augmentera de quelques milliers de dollars d’ici deux ans. Plus les demandeurs d’asile sont nombreux, plus le délai est long avant qu’ils puissent obtenir une audience pour l’évaluation de leur cas, donc plus leur séjour coûte cher.
M. Giroux prévoit que le coût de la prochaine cohorte de demandeurs d’asile pourrait ainsi atteindre 396 millions $ en 2019-2020. Une dépense qui pourrait devenir annuelle si le nombre de demandeurs d’asile se maintient.
Un migrant dont la demande est acceptée dès la première audience coûte environ 10 000 $. Un autre dont la demande est refusée et qui choisit de passer par toutes les étapes du processus d’appel peut coûter près de 34 000 $ en raison des frais juridiques et des soins de santé payés par Ottawa. Or, le ministère fédéral de l’Immigration évalue plutôt le coût par demandeur d’asile à 19 000 $.
Ces données démontrent donc que le gouvernement fédéral n’a pas prévu suffisamment d’argent dans son dernier budget pour réduire l’arriéré de cas devant la CISR, conclut le DPB.
Une somme de 173,2 millions $ étalée sur deux ans a été allouée pour gérer la migration irrégulière, ce qui inclut la sécurité à la frontière et l’accélération du traitement des demandes d’asile. De ce montant, 72 millions $ sont alloués sur deux ans pour la CISR.
«C’est un peu de se tirer dans le pied que de sous-financer la CISR et les autres agences gouvernementales parce qu’en faisant ce genre d’économie-là, ça accroît les coûts fédéraux, a noté M. Giroux. Donc, les économies en matière de capacité de traitement des demandes finissent par entraîner des coûts supérieurs.»
Le gouvernement aurait donc tout intérêt à mieux financer le traitement des demandes d’asile pour éviter une augmentation des frais due aux longs délais.
«Ce n’est pas qu’une question d’argent, c’est également une question de s’assurer que le système fonctionne comme un système et non en vase clos», a fait valoir le ministre de l’Immigration, Ahmed Hussen.
Les partis d’opposition ne s’entendent pas sur la solution. Les conservateurs demandent l’application de l’Entente sur les tiers pays sûrs à l’ensemble de la frontière, tandis que les néo-démocrates veulent sa suspension.
En vertu cette entente entre le Canada et les États-Unis, les demandeurs d’asile doivent faire leur demande de statut de réfugié dans le premier pays où ils ont mis le pied. C’est ce qui inciterait de nombreux demandeurs d’asile à traverser la frontière de façon irrégulière au chemin Roxham.