Moins de lait, plus de fruits et légumes dans le nouveau Guide alimentaire canadien
OTTAWA — Le nouveau Guide alimentaire canadien abandonne le principe des grands groupes alimentaires et de la taille des portions pour s’attarder à des directives plus générales, comme manger plus de protéines végétales, boire davantage d’eau et… faire des repas un moment agréable.
Le guide alimentaire que la ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas-Taylor, a dévoilé à Montréal mardi reflète une nouvelle approche de Santé Canada, qui vise à promouvoir un mode de vie plus sain et de meilleurs choix alimentaires, plutôt que de mettre l’accent sur les portions et certains aliments en particulier.
Hasan Hutchinson, directeur général de la politique et de la promotion de la nutrition à Santé Canada, a précisé qu’une série de ressources en ligne conviviales pour les appareils mobiles avait été développée afin de répondre aux besoins de différents utilisateurs, notamment du public, des décideurs et des professionnels de la santé.
«Le guide continue de donner des conseils sur ce qu’il faut manger, mais il souligne maintenant que manger sainement, c’est plus que la nourriture que vous mangez», a déclaré M. Hutchinson.
Le guide, qui n’avait pas été revu depuis 12 ans, recommande aux Canadiens de manger des légumes, des fruits et des grains entiers, et de consommer plus régulièrement des protéines d’origine végétale comme des légumineuses, des noix et du tofu. On conseille aussi de choisir l’eau comme boisson de choix, afin de s’hydrater sans consommer de calories.
Le nouveau guide épingle bien sûr les aliments qui sont nocifs pour la santé et qui pourraient entraîner des maladies chroniques: les aliments transformés et préparés dont la composition est élevée en sodium, en sucre et en gras saturés. On fait aussi une mise en garde sur la consommation d’alcool.
«Les risques alimentaires constituent l’un des trois principaux facteurs de risque du fardeau des maladies chroniques au Canada, mais la science de la nutrition est complexe et donne souvent lieu à des messages contradictoires, a expliqué M. Hutchinson. C’est pourquoi les Canadiens ont besoin d’informations crédibles sur une saine alimentation pour orienter leurs choix alimentaires.»
Les fameux produits laitiers
De nouveaux messages plus «culturels» sont aussi inclus dans le guide, qui recommande notamment de prendre ses repas avec d’autres personnes. «Le guide continue de fournir des conseils sur ce qu’on mange, mais il met aussi l’accent sur le fait qu’une alimentation saine est bien plus que la nourriture qu’on mange», a estimé M. Hutchinson.
Par ailleurs, en éliminant certaines recommandations concernant les aliments et les portions, le guide ne répertorie plus le lait et les produits laitiers en tant que groupe alimentaire distinct, comme on le faisait auparavant dans la «tarte» colorée. M. Hutchinson précise que l’intention n’était pas d’éliminer les produits laitiers du guide: il cite des exemples de produits laitiers faibles en gras, en sodium et non sucrés figurant dans d’autres catégories d’aliments qui sont recommandés, y compris les protéines et les boissons saines.
Inquiétudes chez les producteurs
Une nutritionniste de l’organisation représentant les producteurs laitiers craint toutefois que les gens ne consomment pas de protéines complètes avec ces indications.
«J’ai des inquiétudes là-dessus, parce que ce ne sont pas tous les aliments protéinés qui ont le même profil nutritionnel. En plus des protéines, (ces aliments) fournissent des nutriments et dans le cas des produits laitiers, ces nutriments sont très différents des autres sources de protéines», a déclaré Isabelle Neiderer, directrice nutrition et recherche chez les Producteurs laitiers du Canada.
Joyce Parslow, directrice principale du marketing et de la relation client chez Boeuf canadien, a abondé dans le même sens, ajoutant qu’elle était malgré tout soulagée que le guide ne dissuade pas les Canadiens à manger de la viande rouge.
«Nous sommes ravis que la viande rouge fasse partie du lot… mais nous voulons nous assurer que les clients ne commencent pas à éliminer une protéine puissante comme la viande rouge pour la remplacer par une protéine végétale. Les deux sont vraiment mieux ensemble», a-t-elle soutenu.
Les rumeurs selon lesquelles le guide préconiserait une consommation accrue de protéines végétales avaient suscité l’inquiétude des producteurs laitiers et de la filière bovine, inquiets des impacts à long terme que les changements apportés au message pourraient avoir sur leur gagne-pain.
Les nouvelles directives ont été élaborées avec des experts en science et en santé. «Nous devions vraiment garder cette distance face à tout conflit d’intérêts perçu ou réel», a indiqué M. Hutchinson. «Cela nous tenait beaucoup à coeur, car dans le Guide alimentaire 2007, il y avait pas mal de critiques sur l’influence de l’industrie et nous pensons que pour garder la confiance des Canadiens, des professionnels de la santé et autres intéressés, il fallait être assez strict à ce sujet.»
Les acteurs de l’industrie ont cette fois été exclus, pour éviter l’ingérence politique et économique. Pourtant, pas moins de 46 lobbyistes étaient enregistrés pour le guide alimentaire et ont participé à des dizaines de rencontres avec les représentants d’au moins 23 ministères, bureaux ou agences, en plus de s’entretenir avec au moins 43 députés, sénateurs ou leurs employés.
Plusieurs groupes satisfaits
Malgré cela, l’Association médicale canadienne, la Fondation des maladies du coeur et de l’AVC du Canada et Les Diététistes du Canada croient que les résultats reflètent les données scientifiques les plus probantes. Ces organisations ont applaudi le gouvernement pour avoir minimisé la contribution de l’industrie.
«Ce qui est frappant dans le nouveau Guide alimentaire canadien, c’est le virage à une approche plus globale — de parler non seulement de ce que les Canadiens devraient manger, mais aussi comment ils devraient manger», a déclaré Nathalie Savoie, des Diététistes du Canada.
Les groupes de défense des animaux se sont aussi réjouis de cette transition vers les protéines végétales.
Le document publié mardi ne constitue qu’une infime partie des recommandations de Santé Canada sur la consommation d’aliments sains. Un rapport rédigé par des professionnels de la santé et des décideurs politiques doit être rendu public plus tard cette année et contiendra plus de détails pour créer des menus ou des diètes dans les hôpitaux, les écoles et les résidences pour personnes âgées.