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Le CUSM se voit imposer un accompagnateur

MONTRÉAL – Québec place le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) en quasi-tutelle, en nommant un «accompagnateur» afin de tenter de reprendre le contrôle de la situation financière de l’établissement, aux prises avec un déficit galopant.

Le rapport d’un groupe d’experts dirigé par le docteur Michel Baron, rendu public mardi, démontre que le CUSM se dirige vers un déficit récurrent de 61 millions $ au 31 mars prochain, un manque à gagner qui atteindra en fait 115 millions $ en y ajoutant les déficits non récurrents de l’établissement.

«On peut maintenant confirmer qu’il y a un dérapage majeur de la situation budgétaire du CUSM», a laissé tomber le sous-ministre adjoint au ministère de la Santé et des Services sociaux, Michel Fontaine, en point de presse à Montréal.

Le rapport dévastateur fait état de transactions immobilières «hasardeuses» sans les autorisations nécessaires de l’Agence de santé et des services sociaux de Montréal ou du ministère, de nombreuses transgressions de règles et d’un mépris des contraintes budgétaires.

L’Agence elle-même n’est pas épargnée, alors qu’est dénoncée la pratique de combler en douce des déficits par le biais d’ententes «passerelles» qui permettaient à l’établissement d’afficher un faux équilibre budgétaire, une pratique qui a été abolie par la nouvelle direction de l’Agence.

«Le sous-ministre avait demandé un rapport d’audit pour l’Agence à savoir quelle était cette situation de pratiques un peu tordues», a d’ailleurs reconnu M. Fontaine.

Les experts confirment par ailleurs l’ajout depuis 2009 de près de 900 000 heures rémunérées non autorisées qui, bien que travaillées, ne peuvent être justifiées par une augmentation du volume d’activités de l’hôpital. Au contraire, le CUSM est pris à partie pour sa piètre performance et son refus d’implanter des recommandations d’une étude de la firme Raymond Chabot Grant Thornton qui, en 2010, estimait que l’hôpital pourrait économiser 40 millions $ annuellement simplement en rehaussant sa performance à 75 pour cent de la moyenne des établissements comparables.

Bien que le rapport Baron ne portait pas sur le projet du super-hôpital présentement en construction sur le site Glen, ses auteurs s’inquiètent néanmoins de l’incertitude entourant la provenance de 480 millions $ sur les 2,355 milliards $ du projet.

«On s’attend à ce que ce soit difficile. C’est sûr. Nous ne sommes pas dans une situation banale. Nous sommes dans un dérapage budgétaire et le conseil d’administration est d’accord avec nous pour reprendre les choses en mains et corriger la situation», a assuré Michel Fontaine.

«Notre loi ne nous autorise pas, tant que nous ne sommes pas en administration provisoire d’un établissement, d’aller gérer l’interne de l’établissement. C’est une responsabilité du conseil d’administration et on lui demande de faire ses devoirs», a-t-il ajouté.

La dérive est survenue sous l’administration du docteur Arthur Porter, qui est présentement sous enquête relativement à l’octroi de contrats à SNC-Lavalin pour la construction du nouveau CUSM et qui se trouverait présentement dans les Antilles.

Les transactions immobilières «hasardeuses» ne font pas l’objet d’une enquête policière pour l’instant mais seront scrutées à la loupe par la Société immobilière du Québec qui pourrait remettre le dossier entre les mains de la police.

L’accompagnateur désigné est le docteur Michel Bureau, un administrateur chevronné du réseau de la santé. Il devra présenter les priorités de mise en oeuvre des recommandations du rapport d’ici le 18 janvier prochain. Le docteur Bureau devra également s’assurer de la mise en oeuvre immédiate des recommandations de l’étude de Raymond Chabot Grant Thornton et présenter un plan complémentaire d’économies d’ici le 22 février prochain.

La nomination d’un accompagnateur est la démarche qui précède l’administration provisoire, communément appelée mise en tutelle, un pas que Québec semble prêt à franchir, selon M. Fontaine.

«Dès juin, si nous n’avons pas un signe majeur du chemin du retour à l’équilibre budgétaire, on agira rapidement», a-t-il déclaré.

Le ministre de la Santé, Réjean Hébert, qui a procédé à la nomination du docteur Bureau, s’est dit confiant de voir un redressement être réalisé.

«Les conclusions du rapport du groupe d’experts coordonné par le docteur Michel Baron sont très préoccupantes, a indiqué le ministre par voie de communiqué. Tel que mentionné dans le rapport, il y a urgence d’agir. Un nouveau conseil d’administration est en place au CUSM. J’ai confiance qu’il donnera suite rapidement aux principales recommandations proposées. Avec le soutien de l’accompagnateur, il sera en mesure d’opérer l’important virage qui s’impose afin de s’attaquer notamment au problème budgétaire», a dit le ministre.

Le CUSM, pour sa part, a également diffusé un communiqué dans lequel il dit endosser les recommandations du rapport. L’institution se défend toutefois en affirmant qu’elle s’est plainte à maintes reprises d’être sous-financée. Elle assure de plus qu’en aucun cas les soins aux patients ont été compromis par sa situation budgétaire.

«Le comité Baron a évoqué la possibilité que le déficit atteigne les 115 millions $ cette année. Nous croyons que le déficit sera nettement moins élevé», fait valoir le conseil d’administration du CUSM.

Le conseil se dit résolu à apporter les changements nécessaires pour le redressement des finances du centre hospitalier.

«Le statu quo est inacceptable. Il ne s’agit pas d’une situation où « la vie suit son cours normal ». Nous disposons d’un plan d’action, que nous mettons actuellement en oeuvre de manière dynamique», affirme-t-il dans son communiqué.

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