Soutenez

«Rien ne justifie» d’accueillir moins d’immigrants au Québec, juge l’IRIS

Les nouveaux arrivants présentent un taux de scolarisation de 42%, un chiffre plus élevé que chez les personnes nées au Québec (24,9%). Photo: iStock, Getty Images
Henri Ouellette-Vézina - Métro

Le Québec devrait-il accueillir moins d’immigrants? À cette question épineuse et controversée, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) répond par la négative et s’en prend à la volonté du gouvernement Legault de réduire les seuils d’immigration de 50 000 à 40 000 personnes, dans une nouvelle étude parue mercredi.

L’IRIS soutient que «rien ne justifie» cette position en immigration, les chiffres indiquant au contraire «une amélioration du sort» des immigrants au Québec.

Depuis 2009, leur taux d’emploi serait même en hausse constante au Québec, atteignant 78,9% en 2018 et dépassant celui de l’Ontario. Le taux de chômage des personnes immigrantes a aussi chuté à 6,7% l’an dernier, contre 4% pour les personnes nées au Canada, d’après le rapport.

Les nouveaux arrivants présentent par ailleurs un taux de scolarisation de 42%, un chiffre plus élevé que chez les personnes nées au Québec (24,9%). La moitié d’entre eux «maîtrisent déjà le français» à leur arrivée au Québec, contribuant à leur volonté d’y demeurer pour longtemps.

«Rien ne nous indique que si on diminue la quantité d’immigrants, ces indicateurs-là vont soudainement progresser. Au contraire, les provinces au Canada qui ont le plus d’immigrants ont les meilleurs taux de rétention et c’est vrai partout dans le monde.» -Julia Posca, chercheure de l’IRIS, en entrevue à Métro.

L’auteure du Manifeste des parvenus, paru en 2018, soutient que le projet de loi 9 du gouvernement caquiste «réduit l’immigration à sa fonction économique». «C’est problématique, a-t-elle mentionné. On vient stigmatiser davantage de nouveaux arrivants. Certains pourraient alors penser qu’en période de ralentissement économique, notre immigration est inutile.»

Celle qui se spécialise notamment sur la question des inégalités économiques dit comprendre «que le gouvernement veuille répondre à certaines craintes identitaires».

«Or, ce faisant, il déplaît aussi au milieu patronal et à plusieurs membres du milieu des affaires, qui veulent davantage de main-d’œuvre», a-t-elle dit. Elle a souligné qu’en voulant trop coordonner la sélection des immigrants, le Québec «se prive d’un afflux de population en âge de travailler».

Dans le premier budget de la Coalition Avenir Québec (CAQ), la semaine prochaine, Julia Posca espère que le ministère de l’Immigration aura droit à des sommes supplémentaires afin que le Québec puisse accueillir davantage d’immigrants. Elle a rappelé que ce ministère avait subi d’importantes coupes budgétaires dans les dernières années, tout comme le ministère de l’Éducation.

Des experts se prononcent
Joint par Métro, le professeur de sociologie et membre du Centre de recherche en immigration de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Rachad Antonius, s’est aussi dit opposé à la diminution des seuils migratoires de manière générale.

«D’un point de vue démographique, social et politique, on a intérêt à accueillir pas mal plus d’immigrants, a-t-il plaidé. Rien dans les données qu’on a ne justifie qu’on mette 18 000 dossiers aux poubelles. La quantité de compétences ici est impressionnante, et pourtant, on en bénéficie beaucoup moins qu’ailleurs.»

D’après M. Antonius, il faut revoir les services d’accueil et d’intégration des immigrants en «s’écartant de cette attitude instrumentalisée de l’immigration», coincée «dans une logique néolibérale».

«Les employeurs se plaignent qu’il n’y a pas assez de personnes qualifiées. Les commissions scolaires parlent d’une pénurie d’enseignants. Le besoin est là, on a l’expertise. Il s’agit de les jumeler, et au besoin, de faire des ajustements.» -Rachad Antonius, professeur de sociologie à l’UQAM.

Sa collègue Micheline Labelle, qui a notamment été titulaire de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté de l’UQAM de 2008 à 2014, déplore le manque d’ouverture aux idées du nouveau gouvernement en matière d’immigration.

«La Coalition Avenir Québec a annoncé la baisse des seuils sans faire de consultation au préalable, sans études approfondies, alors que tous les gouvernements antérieurs l’avaient fait pour modifier les taux, avec les associations, les organismes, les syndicats, les experts», a-t-elle souligné.

L’attitude du ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, «est extrêmement économiste et utilitariste» envers les nouveaux arrivants, a aussi plaidé l’universitaire.

«Ce n’est pas digne des politiques en immigration depuis les années 1970, où on nous avait habitué à l’intégration économique, l’interculturalisme, la lutte à la discrimination, a-t-elle renchéri. C’est ça le principal problème : ça donne une image très réductrice à l’immigration.»

Réformer un système «brisé», dit la CAQ
Appelé à réagir, l’attaché de presse du ministre Jolin-Barrette, Marc-André Gosselin, a souligné que la CAQ a reçu le mandat clair «de réformer le système d’immigration brisé par les 15 dernières années libérales».

«Les problématiques en matière d’immigration sont réelles et concrètes. Notre gouvernement va remédier à la situation en apportant les réformes nécessaires pour permettre au plus grand nombre d’immigrants de pleinement bénéficier de leur expérience au Québec.» -Marc-André Gosselin, attaché du ministre Jolin-Barrette.

M. Gosselin avance que le taux de chômage des immigrants arrivés depuis «cinq ans et moins» est «toujours au moins deux fois plus élevé que celui de la population native». «Le taux de surqualification des personnes immigrées très récentes (5 ans et moins au Québec) atteint 59,0 % alors que celui des personnes de longue date (plus de 10 ans au Québec) est de 39,8 %», a-t-il noté, soulignant que près «d’un immigrant sur deux vit le phénomène de surqualification».

Le Plan d’immigration 2019 du Québec donnera, selon lui, «la flexibilité nécessaire» pour mieux accueillir et encadrer les immigrants «dans leurs démarches d’apprentissage du français et d’intégration» avec l’aide d’un «parcours personnalisé».

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.