Changements climatiques: un cri d’alarme des travailleurs de la santé
Inquiète des impacts des changements climatiques sur leurs patients et sur la société, une coalition de travailleurs de la santé appelle à des actions concrètes du gouvernement et à une mobilisation sans précédent pour le climat.
Formée à l’initiative de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME), le regroupement rassemble une vingtaine d’organisations de médecins, d’infirmières et de professionnelles de la santé du Québec, dont la Fédération interprofessionnelle de la santé, l’Association des médecins d’urgence du Québec et la Fédération médicale étudiante.
Les effets du réchauffement de la planète sont déjà visibles dans les cabinets et les urgences: décès lors de vagues de chaleur, problèmes respiratoires causées par la pollution atmosphérique et progression de la maladie de Lyme en raison de la prolifération plus au nord des insectes porteurs. En plus des dommages physiques et psychologiques causés par les événements extrêmes plus fréquents comme les inondations et les feux de forêts.
«Le diachylon ne suffit plus. C’est un code bleu, celui qu’on crie à l’urgence lorsqu’un de nos patients tombent en arrêt cardiaque. En tant que médecin, c’est notre obligation de nous prescrire plus d’ambitions politiques. C’est une urgence. C’est notre survie et celle de nos enfants, de nos parents, qui est menacé», a lancé hier en conférence de presse la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, médecin-résident en médecine familiale au CLSC des Faubourgs.
Qualifié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de «plus grande menace à la santé du XXIe siècle», les changements climatiques pourraient causer 20 000 décès au Québec lors des 50 prochaines années, selon les chiffres de l’ACME. Au Canada, c’est 14 000 personnes qui meurent chaque année en raison de la pollution atmosphérique.
«Quand j’ai commencé comme urgentologue il y a 30 ans, des décès à l’urgence liés à des vagues de chaleur intense, on ne voyait pas ça, a noté le Dr Eric Notebaert. L’été, c’est absolument infernal dans les urgences. Il ne se passe pas une semaine sans qu’on voit une personne âgée seule qui n’a pas eu accès à de l’eau et à de la fraicheur et qui en souffre. Ça met une pression énorme sur le système, il faut revoir nos façons de fonctionner.»
Lier santé et environnement
La coalition presse le gouvernement caquiste à agir rapidement afin que le Québec puisse atteindre ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre, fixés à 37,5% d’ici 2030.
Elle demande notamment la fin de des projets d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures dans la province et la transition vers des modes de transport actif, au lieu de l’utilisation massive de l’automobile.
«Les politiques de lutte contre les changements climatiques sont aussi des politiques de santé publique, a soutenu Dre Pétrin-Desrosiers. Le fait d’être dans une société qui promeut le transport automobile et le transport solo se traduit par une augmentation de la sédentarité. Et être sédentaire, c’est lié à de multiples risques de santé : obésité, maladie du cœur, diabète, maladies pulmonaires. Cette crise climatique est la plus grande menace à la santé, mais c’est aussi notre plus grande opportunité de faire mieux.»
La coalition enjoint également le gouvernement à verdir les villes et les institutions publiques, tout en préparant mieux le système de santé aux conséquences souvent catastrophiques du réchauffement planétaire.
«Il est temps que le gouvernement prenne en compte l’environnement et le développement durable dans sa gestion du système de santé» –Dr Jean Zigby, médecin en soins palliatifs et en médecine familiale à l’Hôpital général juif
«Présentement, les infrastructures ne sont pas développées pour résister au stress causé par les incidents climatiques : les interruptions de courant, les variations de températures qui cause la dégradation des structures, le système de ventilation qui n’est pas adapté aux vagues de chaleur, etc. Il y a énormément de changement à apporter au système de santé pour qu’il soit résilient», a fait valoir le Dr Jean Zigby, qui œuvre en médecine familiale et en soins palliatifs à l’Hôpital général juif.
Selon lui, l’occasion est belle pour également s’attaquer aux émissions de gaz à effet de serre produites par le système de santé lui-même.
« La santé a toujours été exclue des cibles, parce qu’elle apporte un bénéfice à la société, a soutenu le Dr Zigby. Mais le secteur de la santé est trop vaste pour être ignoré. Comme institution, on a l’opportunité de stimuler le marché vert en achetant des produits plus respectueux de l’environnement, en investissant dans l’efficacité énergétique ou utilisant des véhicules moins polluants. Les institutions ont besoin d’un mandat clair pour réduire leur impact environnemental et pour se préparer pour les changements climatiques.»