Quand le jeu d’enfant tourne à l’agression sexuelle
Des cas d’agressions sexuelles entre enfants arrivent chaque année dans les écoles et les camps de jour du Québec. Mais comment réagir quand la découverte de la sexualité devient violente? Entre le jeu et l’agression, la ligne n’est pas simple à tracer et les intervenants ne savent pas toujours comment réagir.
La petite Barbara, 6 ans était à son camp de jour lundi dernier quand quatre garçons entre 8 et 9 ans auraient décidé qu’un d’eux devait lui faire des bisous pour avoir une bouteille de boisson gazeuse, selon ses parents. Ils auraient couru après elle, l’un d’eux aurait tenu ses mains pendant qu’un autre garçon lui aurait donné un bisou, soutient-elle.
Métro a rencontré Barbara avec ses parents. Nous avons choisi de ne pas divulguer son identité ou celle des autres personnes impliquées.
«Après, je suis tombée sur une roche, un des garçons a dit « Yes! » et m’a donné des coups là avec une bouteille de plastique», dit-elle en pointant son pubis.
«Et il a baissé mes pantalons et il m’a donné des bisous ici», dit-elle en pointant ses fesses.
«C’est un jeu d’enfants qui a mal tourné», estime la directrice du camp de jour situé à Montréal.
Mais pour les parents de Barbara, cette situation est plus grave qu’un jeu d’enfants. Ces derniers ont retiré leur fille du camp de jour et ont appelé la police.
«C’est comme une agression sexuelle. Elle a peur, elle ne veut plus retourner au camp de jour», explique la mère de l’enfant qui ne souhaite pas que cette situation se reproduise.
Métro n’a pas pu obtenir la version des garçons impliqués.
Difficile d’intervenir
Dans ce cas, la police ne peut rien faire étant donné que les garçons impliqués ont moins de 12 ans. La loi stipule qu’un enfant de moins de 12 ans ne peut pas faire l’objet d’une enquête criminelle. Le Service de la Police de Montréal (SPVM) explique qu’il transmet ces cas au directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) qui peut interroger les enfants et offrir des services de soutien.
Selon l’agente d’information et intervenante à la DPJ Jocelyne Boudreault, il est important de transmettre ces cas à des professionnels qui savent comment intervenir auprès des jeunes enfants. Les versions d’une partie ou de l’autre peuvent changer en fonction des questions posées par les adultes.
«La mémoire des enfants [de cet âge] est suggestive et si on surquestionne l’enfant, on peut rapidement perdre la vraie version des faits» explique-t-elle.
Jeux d’enfants ou agression ?
Mais entre les agressions sexuelles et les jeux d’enfants, comment tracer la ligne? La psychologue et clinicienne de la Fondation Marie-Vincent, Sophie Bousquet, explique que plusieurs facteurs rentrent en compte pour déterminer la différence.
Mme Bousquet s’intéresse notamment aux violences sexuelles chez les enfants.
L’écart d’âge entre les enfants est un facteur important, estime-t-elle. S’il y a un écart d’au moins deux ans entre les enfants, les experts considèrent que les enfants ne sont pas au même niveau de développement.
La psychologue regarde aussi la notion de consentement.
«Ce n’est pas la même chose si des enfants décident de faire un jeu qui implique la sexualité, ça ne veut pas dire qu’on n’intervient pas comme adulte et qu’on ne répètera pas les règles liées à l’intimité et aux frontières, mais on n’aura pas la même inquiétude. À partir du moment où il y a un enfant qui ne veut pas, on n’est pas dans un jeu», souligne-t-elle.
La présence de menace et de violence dans le geste est aussi importante, selon la psychologue. Madame Bousquet note aussi l’importance de la nature du geste sexuel de l’enfant.
«Est-ce qu’on s’attend, dans le développement psychosexuel d’un enfant, à ce type de comportement là ou pas à l’âge où il émet ce geste?», enchaine la clinicienne du seul centre au Québec qui offre des services spécialement conçus pour les enfants et les adolescents victimes de violence sexuelle.
Réaction des institutions
En entrevue avec Métro, la direction du camp de jour a affirmé ne pas savoir quoi faire dans cette situation. Dr Bousquet aimerait que les écoles et les camps de jours se dotent d’un protocole pour anticiper une intervention lors d’un incident comme tel.
«La plupart du temps dans les règlements d’école il y a des règles sur le respect du langage. Mais pourquoi est-ce qu’on n’ajouterait pas une section sur le respect du corps des autres?» s’interroge-t-elle.
La psychologue estime qu’il est important que le personnel qui se fait dévoiler ce genre de situation soit bien informé. Elle rappelle qu’il est aussi possible de faire des appels consultatifs avec la DPJ pour que les besoins des enfants soient bien orientés.
Les parents de Barbara souhaitent maintenant inscrire leur fille à des cours de boxe privés pour qu’elle apprenne à se défendre si jamais elle devait vivre une autre situation comme celle de lundi dernier. Ils ne souhaitent plus inscrire leur fille dans un camp de jour.