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Vague de syndicalisation chez les archéologues du Québec

Un archéologue
Une dizaine de requêtes en accréditation auprès de firmes d'archéologie ont été déposées à la fin 2019. Photo: François Lemieux/Cités Nouvelles

Tranchées dangereuses, manque d’eau potable, salaires inadéquats: après «plusieurs années de mécontentement», les archéologues du Québec s’unissent pour dénoncer leurs conditions de travail. Une dizaine de requêtes en accréditation ont été déposées à la fin 2019 dans le but de former un syndicat national dès ce printemps, a constaté Métro.

En présentant ces demandes à la «quasi-totalité des employeurs» du domaine, ces employés souvent oubliés dans les chantiers de construction souhaitent «frapper un grand coup», signale le conseiller syndical à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) Charles-David Émery.

«On veut rapidement syndiquer une très grande partie de ce secteur, qui est zéro syndiqué en ce moment», explique M. Émery.

«Ça a été vraiment facile de convaincre nos collègues», confient à Métro des travailleurs qui ont préféré taire leur nom jusqu’à la syndicalisation. Selon eux, on compterait au plus 200 professionnels dans la province actuellement.

Chantiers de construction

Au Québec, le rôle d’archéologue-terrain est pratiqué, dans la grande majorité des cas, sur un chantier de construction. La profession implique d’importants efforts physiques, affirment les archéologues rejoints.

Selon le conseiller syndical, les conditions de travail des archéologues «sont loin d’être au rendez-vous» en 2020.

«On pourrait les comparer au secteur de la construction, analyse le conseiller de la CSN. Les enjeux de sécurité s’en rapprochent. Mais en ce qui a trait au respect de la santé et de la sécurité, on est très loin de ce qu’on pourrait retrouver chez les travailleurs de la construction.»

Parmi les entreprises visées par les demandes d’accréditation figurent d’importantes firmes québécoises comme Ethnoscop inc., Artefactuel, Arkeos, Patrimoine Experts et Archéotec.

«Très surprises» par les demandes d’accréditation, certaines firmes d’archéologie visées par la CSN se montrent encore réticentes, constate Charles-David Émery.

Conditions néfastes

D’après les cinq archéologues rencontrés dans les bureaux de la CSN cette semaine, «le fruit était mûr» pour le lancement d’un syndicat.

«On arrive sur des chantiers et il n’y a pas d’eau potable, s’insurge Hugo*, l’un d’eux. Des fois, nos toilettes ne sont vidées qu’une fois en deux semaines. Il n’y a pas d’électricité dans les roulottes, donc pas de climatisation ni de chauffage.»

En 2010, un archéologue de 55 ans a perdu la vie à Montréal lorsqu’une parois du fossé où il travaillait s’est effondrée sur lui.

«Le milieu de l’archéologie s’est longtemps fait taper sur la tête parce qu’il « ralentit les projets ». On se retrouve dans des situations de travail qui sont hors-norme. Mais plutôt que de dire non, on va se mettre à descendre des tranchées qui sont dangereuses.» – Hugo*

Émilie* se rappelle avoir dû fouiller des sols contaminés dans le secteur de l’échangeur Turcot. À quelques mètres de là, des employés de la construction avaient pris toutes les précautions nécessaires. «Personne ne nous a averti. Nous autres, on fouillait ça avec des gants de jardin», affirme-t-elle.

À long terme, les futurs syndiqués espèrent pouvoir se détacher de l’étiquette de «parasites des chantiers». «On fait une job essentielle. Collectivement, la communauté québécoise a décidé qu’on mettait de l’argent pour faire ça. Mais on n’est pas valorisés», lance Hugo*.

Embryon syndical

En 2017, la création du Centre de normalisation des travailleurs en archéologie du Québec (CNTAQ) a rassemblé employeurs et employés autour d’une table pour identifier les enjeux du milieu.

«Ils [le CNTAQ] se sont fait, au mieux, ignorer et, au pire, rire dans la face», raconte Émilie*, une archéologue.

«Ça a permis d’extirper un consensus général sur les problèmes de l’archéologie.» – Émilie*

Considérations salariales

À l’approche des négociations, la question salariale occupera une place centrale, lancent en choeur les intervenants consultés.

«La majorité d’entre nous sommes sous le seuil du faible revenu», convient Yannick*, un autre archéologue qui s’est confié à notre journaliste.

Un plancher national de 25$ de l’heure sera un bon point de départ, propose Hugo*.

«Les travailleurs de la construction sont sûrs qu’on est super bien payés parce qu’ils savent qu’on a des diplômes universitaires. Quand on leur dit qu’on est à 22$ ou 23$ de l’heure, leurs bras leurs tombent», ajoute Émilie*.

À mesure qu’ils remarquent un exode important des professionnels de l’archéologie, les travailleurs interrogés tirent la sonnette d’alarme.

«En deux ans, 15% à 20% de la main-d’oeuvre a quitté. La rétention est assez difficile», analyse Hugo*.

Le Syndicat national des archéologues du Québec (SNAQ) tiendra son assemblée officielle de fondation au printemps. Des négociations pourraient suivre au cours de l’été, selon Charles-David Émery.

*Les noms des archéologues interrogés ont été modifiés pour préserver leur anonymat.

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