Projet de loi 40: vers une contestation de la réforme par des organismes anglophones
Une alliance d’organismes représentant des parents et des éducateurs anglophones questionne la constitutionnalité du projet de loi 40 sur la gouvernance scolaire. Elle réclame le renvoi du projet de loi en Cour d’appel, à défaut de quoi les organismes pourraient entamer eux-mêmes des procédures légales.
Sept représentants de l’Alliance pour la promotion de l’enseignement dans les écoles publiques de langue anglaise au Québec (APPELE-Québec)ont donné une conférence de presse lundi avant-midi dans un centre communautaire de Côte-Saint-Luc.
«Nous avons tous essayé d’être une force constructive dans le processus pour améliorer le projet de loi 40», a évoqué l’ancien ministre québécois et président de l’alliance, Geoffrey Kelley. Or, les changements proposés par la communauté anglophone ont récolté «une fin de non-recevoir», a-t-il déploré.
Vendredi dernier, le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge a évoqué la possibilité d’avoir recours au bâillon pour accélérer l’adoption du projet de loi 40 dans les prochains mois. Cette pièce législative, qui a fait l’objet d’une commission parlementaire en novembre, prévoit l’abolition des commissions scolaires du Québec. Ces dernières seront remplacées par des centres de services éducatifs composés principalement de parents bénévoles et des membres de la direction non élus.
Le projet de loi 40 propose déjà certains compromis aux écoles anglophones. Le gouvernement Legault prévoit ainsi de maintenir les élections scolaires dans le réseau anglophone pour élire les membres des centres de services. Dans le réseau francophone, le projet de loi prévoit l’abolition des élections scolaires.
«Nous avons déjà fait un compromis honorable qui reflète bien notre ouverture envers la communauté anglophone», a d’ailleurs réagi par courriel l’attaché de presse du ministre Bonnardel, Francis Bouchard.
Grâce à cette réforme de la gouvernance scolaire, le gouvernement du Québec espère réaliser des économies de 45 M$ en quatre ans.
Incertitudes
M. Kelley soulève toutefois qu’il n’est en fait «pas clair» à savoir qui pourra voter et être candidat aux élections scolaires anglophones après l’adoption du projet de loi 40. Il craint également que les centres de services éducatifs n’aient pas de «réels pouvoirs» en raison d’une centralisation de ceux-ci entre les mains du ministre de l’Éducation. Ces centres seraient alors des «coquilles vides», craint-il.
L’alliance presse donc le gouvernement Legault de demander à la Cour d’appel du Québec de se pencher sur la constitutionnalité du projet de loi 40 avant de procéder à son adoption.
«Le ministre [Jean-François Roberge] est convaincu que son projet de loi est constitutionnel. Nous sommes convaincus du contraire», a martelé M. Kelley.
«Le projet de loi 40 représente un recul pour la démocratie locale au Québec.» -Geoffrey Kelley, président de l’alliance APPELE-Québec
La «solution légale» envisagée
L’alliance propose aussi une exemption de l’application de l’éventuelle loi pour les écoles anglophones.
«Espérons que nous aurons une solution politique, parce qu’une solution légale pourrait s’avérer coûteuse», a d’ailleurs laissé tomber le président du conseil du Quebec Community Groups Network, Geoffrey Chambers, en marge de l’événement.
L’alliance n’exclut donc pas la possibilité d’aller elle-même en Cour si le gouvernement Legault adopte ce projet de loi tel quel.
«Il n’est pas opportun de renvoyer le projet de loi sur l’abolition des élections scolaires devant la Cour d’appel, a réagi l’attaché de presse du ministre Bonnardel. Nous sommes confiants que le projet de loi, si adopté et contesté, passerait l’épreuve des tribunaux.»
Contrairement à l’alliance, Francis Bouchard a par ailleurs affirmé que ce projet de loi viendra plutôt «décentraliser la prise de décisions» en milieu scolaire en mettant celle-ci «entre les mains de celles et ceux qui connaissent les élèves par leur nom».
Dans les derniers mois, ce projet de loi a suscité l’opposition de nombreuses organisations, dont la Fédération autonome de l’enseignement et la Commission scolaire de Montréal. La Ville de Montréal a d’ailleurs adopté à la mi-novembre une motion en faveur du maintien des élus scolaires, s’opposant ainsi au projet de loi 40.
Le Directeur général des élections a aussi critiqué ce projet de loi l’an dernier. Il affirme que celui-ci n’est pas démocratique.