Repenser l’éducation supérieure grâce aux consultations publiques
Ce n’est pas en 48 heures que le système d’éducation supérieure sera réformé. Selon le professeur Norman Cornett, il faut le repenser de fond en comble, par le biais de consultations publiques, de la même manière que cela a été fait pour les accommodements raisonnables.
À l’occasion du Sommet sur l’enseignement supérieur, Métro a demandé à ce professeur, qui s’est fait connaître pour ses méthodes d’enseignement peu conventionnelles, ce dont notre système d’éducation avait besoin.
M. Cornett pratique ce qu’il appelle la pédagogie «radicale» et cette méthode pourrait être au cœur de la réforme qu’il souhaite pour les universités. Par radicale, il entend le retour à la raison d’être de l’université. «Les universités doivent être des endroits de dialogue, de réflexion, de quiétude, de recueillement», dit-il.
L’université occidentale doit revenir à ce qu’étaient les Sorbonne, Bologne et Oxford au Moyen-Âge: des communautés. «Aujourd’hui, est-ce qu’on établit une communion entre les professeurs et les étudiants? Le dénominateur commun des universités est que les étudiants sont seuls, isolés, aliénés», croit ce spécialiste des sciences des religions, qui anime des rencontres sur la Commission Bouchard-Taylor sur les accomodements raisonnables.
Depuis la Commission Parent en 1961-1965, qui a conduit à la création des cégeps et du ministère de l’Éducation, il n’y a pas eu de vraie réforme, selon lui. Il demande donc des consultations publiques à travers le Québec au cours desquelles toute la population serait invitée à partager son point de vue. «Le sommet du [25 et 26 février] pourrait jeter les balises d’une réforme, mais ce ne sera pas suffisant, précise-t-il. Plutôt qu’un pansement, il faut une opération a coeur ouvert de l’éducation.»
«Le printemps érable était beaucoup plus qu’une question monétaire, c’était un cri du cœur collectif pour une société nouvelle», dit celui qui s’est fait congédier de l’Université McGill en 2007 pour ses méthodes d’enseignement peu orthodoxes.
Quant à la gratuité, il affirme que cette option doit faire partie des réflexions à considérer, mais qu’il faut éviter l’approche de penser l’université uniquement sur la base des droits de scolarité. «Il faut une réforme de fond en comble, où l’argent n’est pas l’enjeu principal. L’argent ne résout pas tout», croit-il.
Chose certaine, à ses yeux, les universités reçoivent des millions de dollars du gouvernement et elles doivent être redevables.
Des méthodes peu orthodoxes
Ceux qui ont suivi un cours du professeur Cornett s’en souviennent. Il est un peu la version québécoise du John Keating du film Dead poet society, avec des méthodes peu conventionnelles qui lui valent les éloges de ceux qui ont fréquenté ses classes.
Au début du semestre, les étudiants prennent l’engagement suivant: ils obtiennent un A, mais doivent impérativement être présents à tous les cours. Aux bonnes réponses, le professeur Cornett préfère les réponses honnêtes.
Plutôt que d’être orientés vers le contenu, ses cours ouvrent les esprits, croit Yves Jalbert, qui enseigne la philosophie au cégep et qui a suivi des séminaires de M. Cornett.
Peu importe l’intitulé du cours, les visites aux musées, les concerts et temples sont au menu. Un des cours les plus populaires qu’il a enseignés est Soul and Soul music (l’âme et la music soul) qu’il donnait en session d’été pendant le Festival de Jazz de Montréal.
Le pianiste Oliver Jones s’est souvent déplacé pour venir jouer dans sa salle de classe. Les étudiants sont invités à écouter, puis à écrire une réflexion «à chaud» sur cette expérience. «C’est un dialogue avec les auteurs, on est confronté à des textes, des vidéos, à une musique et il faut écrire ce qui nous traverse l’esprit de façon spontanée», explique M. Jalbert.
«On expérimente le savoir, ajoute Philippe Bourque, qui a suivi son cours Soul and Soul music. On a visité des musées, des églises catholiques chinoises, des temples bouddhistes. On sort de sa zone de confort, on découvre d’autres sphères.»
M. Bourque est conscient que cette méthode a ses limites. «Il y a des domaines techniques où on ne peut pas dialoguer avec un patient qui est en train de mourir. C’est difficile à appliquer à grande échelle, mais il y a de la place pour ça.»
M. Jalbert ajoute qu’il pourrait à tout le moins être envisageable d’avoir au moins un cours de ce genre par programme.
Des étudiants allumés, certes, mais aux yeux de McGill, il s’agissait peut-être de notes «bonbons» reconnaît Philippe Bourque, tentant de comprendre le congédiement de l’homme, en 2007.
«Malheureusement ça ne m’étonne pas», conclut M. Jalbert.
M. Cornett continue d’enseigner. Il est régulièrement invité à donner des séminaires dans plusieurs universités canadiennes et européennes.