Gestion de crise: trop peu de femmes au gouvernement, déplorent les oppositions
Le portrait serait bien différent si la gestion de crise avait été menée par des femmes au gouvernement, martèlent des élues de l’opposition. Et ça commence avec le conseil des ministres, croient-elles.
Avec l’accès de la députée de Les Plaines, Lucie Lecours, au poste de ministre déléguée à l’Économie, le conseil ministériel caquiste compte désormais 12 femmes. C’est une proportion de 42% en comptant le premier ministre, François Legault, ou de 40% en ajoutant le whip en chef du gouvernement et le président du caucus, tous deux des hommes.
Peu importe le calcul, soutient la députée de Québec solidaire Christine Labrie, c’est bien peu pour un gouvernement qui se targuait d’avoir présenté le premier conseil des ministres paritaire de l’histoire de l’Assemblée nationale à l’automne 2018.
«Je m’attendais à ce que ça soit un engagement de façade. Leurs actions démontrent que je ne me trompe pas», souligne-t-elle au bout du fil.
Selon l’élue libérale Isabelle Melançon, le gouvernement caquiste fait preuve d’un «double standard» avec son équipe de ministres. Comme quand Danielle McCann a perdu son poste de ministre de la Santé au profit de Christian Dubé, exemplifie-t-elle. Ou bien quand le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a gardé son poste malgré deux camouflets de la commissaire à l’éthique et à la déontologie.
«Plusieurs femmes ont perdu des postes au profit d’homme. Mais le ministre Fitzgibbon, ça, ce n’est pas grave, parce que c’est le chum du premier ministre», souligne-t-elle au bout du fil.
Jusque dans la cellule de crise?
À Québec, face à la pandémie, la cellule de crise gouvernementale compte sur une femme ministre, Geneviève Guilbault, à la Sécurité publique. Y figurent aussi quelques proches conseillères, comme la directrice de cabinet adjointe, Claude Laflamme, ou la sous-ministre à la Santé, Dominique Savoie.
Or, la majorité des décideurs de cette garde rapprochée sont des hommes. Le ministre Dubé et le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, en sont. Tout comme le directeur du cabinet du premier ministre, Martin Koskinen, et le directeur des communications du gouvernement, Guillaume Simard-Leduc.
Lundi, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) pressait le gouvernement d’inclure la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, à la cellule de crise.
«Quand on est aveugle à la question du genre, on reproduit des inégalités», a signifié la chercheuse à l’IRIS Julia Posca.
«Boy’s club»
Un avis partagé dans les oppositions. Pour Mme Melançon et Mme Labrie, comme pour Méganne Perry Mélançon, du Parti québécois, la Coalition avenir Québec a longtemps été et est toujours un «boy’s club».
Selon l’élue péquiste, ce phénomène n’est pas sans effet en contexte de pandémie.
«Avec plus de femmes au conseil des ministres, on donnerait suite à des négociations qui traînent depuis longtemps, dans le milieu de l’enseignement, chez les infirmières… Ce sont des secteurs à majorité féminins», affirme-t-elle.
Mme Melançon déplore «le manque de leadership» de la ministre Charest, au sein même du conseil des ministres. Elle réclame un retour à l’analyse différenciée selon le sexe dans toutes les annonces et tous les projets de loi mis de l’avant par le gouvernement provincial.
«Quand j’étais au conseil des ministres, je peux vous dire qu’à chaque fois que [la ministre responsable de la Condition féminine de l’époque] Hélène David se levait, on savait de quoi elle parlerait: des femmes», souligne-t-elle.
«Actuellement, au conseil des ministres, ça ne se préoccupe pas des femmes.» – Isabelle Melançon, députée libérale de Verdun
Pour Christine Labrie, les façons de faire du gouvernement remontent bien avant la pandémie.
«C’est comme si, pour eux, l’égalité était déjà atteinte, lance-t-elle. Leur seule préoccupation, c’est d’avoir l’air féministe, mais ce n’est pas un gouvernement féministe.»
Appelé à répondre, lundi, l’attaché de presse au cabinet du premier ministre Ewan Sauves maintient que le gouvernement caquiste en a fait plus que les précédents gouvernements.. «Nos actions depuis notre élection témoignent de notre réelle volonté de soutenir les femmes. Jamais un gouvernement n’a autant investi pour les aider», s’est-il contenté de dire.