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Violence familiale et sociale : les victimes indirectes de la COVID-19

Violence sociale et Covid-19
Des gens manifestent contre la violence et le racisme anti-asiatiques le 27 mars 2021 à Los Angeles, en Californie. Photo: Getty Images
Vivek Venkatesh, Concordia; Cécile Rousseau, McGill; David Morin, Université de Sherbrooke et Ghayda Hassan, UQAM - La Conversation

Dans le futur, la santé publique pourra-t-elle à la fois mitiger les risques liés à la transmission d’un virus à grande échelle et mieux assurer la protection des groupes vulnérables, notamment les minorités raciales? Des professeurs d’universités québécoises se sont posé la question.

Par Vivek Venkatesh, Concordia University; Cécile Rousseau, McGill University; David Morin, Université de Sherbrooke et Ghayda Hassan, Université du Québec à Montréal (UQAM)

ANALYSE – Alors que la pandémie de Covid-19 sévit depuis plus d’un an, il devient de plus en plus évident que les personnes marginalisées risquent de façon disproportionnée de contracter la maladie ou d’en mourir. Parallèlement, les dommages indirects des fermetures et du confinement de la dernière année, sans oublier les difficultés financières, l’isolement social et les problèmes de santé mentale, touchent bien plus durement les membres des communautés racisées.

Des rapports font état d’une recrudescence des cas de violence familiale — et possiblement de violence envers les enfants — durant la pandémie. La cause en revient partiellement à la limitation de l’accès aux réseaux de protection familiale et sociale ainsi qu’aux ressources scolaires.

D’autres rapports montrent une hausse des actes de discrimination à l’égard des communautés minoritaires de même qu’une exacerbation du discours haineux et des tensions ciblant les groupes racisés. Par exemple, plusieurs incidents violents, notamment la tuerie d’Atlanta, visaient des Asiatiques.

Plus de risques, moins de résilience

Composée de psychiatres, de psychologues et de spécialistes des sciences sociales ou de l’éducation, notre équipe interdisciplinaire tente d’évaluer les répercussions socioculturelles de la Covid-19 sur les groupes marginalisés au Canada. À la lumière des résultats obtenus, non seulement la pandémie aurait provoqué un affaiblissement de la résilience des personnes et des communautés, mais elle se serait doublée d’une aggravation des facteurs de risque associés à la violence.

Par exemple, deux des principales consignes pour prévenir la contagion — soit les fermetures et les restrictions en matière de déplacements — ont fait l’objet de débats politiques polarisés.

Parallèlement, l’incertitude économique est apparue comme un facteur d’anxiété croissant durant la pandémie. Dans leur ensemble, ces facteurs ont accentué la polarisation sociale liée à la race.

Propagées rapidement sur Internet, les théories conspirationnistes attribuent la responsabilité de la crise actuelle à des groupes minoritaires précis. Dans un autre ordre d’idées, les conséquences socioéconomiques de la pandémie touchent davantage les petits salariés.

L’isolement social (ou, au contraire, le surpeuplement des logements) et l’abus croissant de substances psychoactives ont fragilisé encore plus la santé mentale de personnes soumises au stress d’un avenir incertain. Ces facteurs sont aussi intervenus dans des contextes politiques de plus en plus polarisés, notamment l’insurrection survenue récemment au Capitole — laquelle a en retour accru la probabilité d’actes de violence intergroupe.

L’Amérique du Nord et l’Europe n’ont pas l’exclusivité de tels phénomènes. En effet, les actes de violence publique organisée suivis de mesures de représailles étatiques sont en hausse aux quatre coins du monde. Les menaces contre les libertés civiles associées à l’imposition des consignes de santé publique et à l’encadrement des manifestations et dissensions révèlent des griefs sous-jacents liés à la discrimination systémique qui n’ont pas été abordés et ont exacerbé le sentiment d’injustice ressenti à l’échelle mondiale.

Mettre en pratique les leçons acquises

La santé publique et ses politiques peuvent pondérer les risques et avantages relatifs à la transmission éventuelle de la Covid-19, d’une part, et les répercussions du confinement et des fermetures sur des groupes spécifiques, notamment les minorités raciales, d’autre part. Tout en maintenant les mesures de contrôle et de protection, à commencer par les programmes de vaccination, il est désormais temps de promouvoir une perspective de santé publique fondée sur les droits de la personne et axée sur les rôles interreliés des politiques sociales, de l’éducation et des médias.

Les leçons acquises au cours de la première vague de la pandémie seront utiles à l’élaboration de plans de levée des mesures de confinement et des restrictions de même qu’au développement d’approches en matière de prévention et de résilience. Ces plans et approches devraient par ailleurs aborder la question de la prévention de la violence sur les plans interpersonnel et social. Menée avant la réouverture des établissements, une consultation des organismes communautaires, des associations confessionnelles et des groupes locaux contribuerait à éclairer les décisions sur la détermination des groupes ayant le plus besoin d’être protégés.

La recherche sur la prévention de différentes formes de violence montre que certaines approches aident à contrer la discrimination et les comportements fondés sur les préjugés. Il en est ainsi de l’analyse de l’ensemble des points de vue préalable au prononcé de tout jugement et à l’apprentissage de l’empathie à l’endroit des personnes vulnérables.

L’une des fonctions importantes que doivent exercer les spécialistes des domaines de la santé et de l’éducation porte sur la défense des Autochtones et des personnes racisées subissant les conséquences de la Covid-19 — les répercussions potentiellement dommageables de la pandémie sur la santé mentale, par exemple. Cette stratégie de défense pourrait contribuer au maintien de besoins fondamentaux, comme l’accès aux soins de santé et aux services sociocommunautaires, et à la diminution des cas de détresse psychologique et de violence.

Tout en s’efforçant de contrer la phase pandémique actuelle, les gouvernements et les systèmes de santé peuvent mieux se préparer que lors de la première vague. Au-delà des répercussions de la Covid-19 sur la société en matière de santé physique, la violence connexe sur les plans interpersonnel et social risque de se révéler dévastatrice. Ce dossier requiert donc une attention immédiate.

Vivek Venkatesh, UNESCO co-Chair in Prevention of Radicalisation and Violent Extremism; Professor of Inclusive Practices in Visual Arts, Faculty of Fine Arts, Concordia University; Cécile Rousseau, Professor, Division of Social and Cultural Psychiatry, McGill University; David Morin, Chair professor, Faculté des Lettres et sciences humaines, École de politique appliquée, Université de Sherbrooke et Ghayda Hassan, Professor, Clinical Psychology, Université du Québec à Montréal (UQAM)

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.

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