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Votons pour un Québec grec!

Photo du chroniqueur Frédéric Bérard avec titre de sa chronique, In libro veritas
Photo: Métro

Me souviens pas de vous avoir jasé de ça, mais ce serait essentiel de le faire: je suis, comme tant d’autres, grand fan du grand Latraverse, Michel de son prénom, Plume de son surnom. Grand fan dans le sens de temps plein, c’est-à-dire hormis le 24 juin. Nul doute que le médaillé d’honneur de l’Assemblée nationale («j’ai pourtant tout fait pour ne jamais me ramasser icitte!») transcende, dans son œuvre, le trash de ruelle et autres (rigolotes) grossièretés. On peut même y lire et entendre, à petits coups d’attentions portées, quelques bijoux d’analyses sinon anthropologiques, sinon socio-politiques. Métropole B.B.Q, par exemple.

Le flash de ce qui précède, soit un Plume subtilement engagé sous des airs de pitrerie, m’a sauté en pleine face un soir de show, au Spectrum. Entonnant une espèce de chant tribal, où il dédiait (sarcastiquement) une ode au nationalisme d’excités en se moquant de Paul Piché, une trâlée d’énervés de la nation, justement, devait partir en vrille en hurlant leur amour du pays, genre. Riant d’eux, et sans que ceux-ci ne s’en soit apparemment rendu compte, il leur lance: «Regardez comment vous êtes crinqués ma gang de ciboire!!» De quoi de casser le party patriote.

C’est alors que j’ai compris – il était temps –le méga-sarcasme d’une autre de ses tounes délibérément politique : 

La consternation fait rage

Au sein même de ces braves habitants

Ils s’en cachent le visage

Sous un condom isolant

Écoutez bien ce message

Francophones en mal des duels d’antan

Embrochez-vous sans ambage

Faites des souvlakis d’enfants

Fourrez, fourrez, fourrez, fourrez démographiquement

Poussez vos deux gosses par en avant

La langue française se fait clouer le bec

Fourrons pour un Québec grec

À quoi ça sert de vivre tout égoïstement

Dans le trou rose de son p’tit condo blanc

À palabrer autour d’la loi 101

Quand toute le reste est dans l’beurre

(Pour un Québec grec (grec)

Morale de l’histoire : l’obsession identitaire en vient souvent à occulter, récupération médiatico-politique comme tremplin, les faits. D’envoyer, fallacieusement, les projecteurs aux mauvais endroits.

***

C’est un peu (beaucoup) dans cette atmosphère de certitudes parfois dépourvues de fondement que s’opère, actuellement, le débat sur l’état du français au Québec. Demandez au quidam de la rue, et il vous répondra, assuré, que oui, la langue de Lévesque est en constant déclin. 

Il n’aura pas tort temps plein, bien entendu, l’attrait de l’anglais dixit le Web et autres, notamment chez les plus jeunes, opère clairement quelques ravages. Mais reste que la généralisation, elle, a de quoi achaler. Et sur quoi se base-t-elle? Sur les études de 2-3 catastrophistes, toujours les mêmes d’ailleurs, hurlant à la catastrophe. Leur méthodologie? Tout simple : tant le français parlé à la maison (80% en 2011, et 79% en 2016) qu’à titre de langue maternelle (78% en 2011, et 77% en 2016), recule. 

Question: ça vous dérange tant que ça, vous, la langue que parle Pedro et Leslie, dans leur chambre à coucher ? Pas moi. Ce qui m’intéresse, par contre, c’est qu’ils soient capables, et ibidem pour leurs morveux, de converser, travailler et étudier en français. La loi 101, particulièrement sous son volet éducationnel, aura graduellement fait de petits miracles. La preuve? Actuellement, plus de 94% des Québécois parlent français. Pas parfait, mais pas loin, non? Et un chiffre pareil, quand on y pense, n’est-il pas justement la meilleure preuve de notre capacité d’accueil, d’un certain succès d’intégration? 

Autre remarque: si l’on se fie uniquement sur les facteurs discutés, ceci signifierait que l’anglais, ailleurs au Canada, serait également en… déclin. La pognez-vous? En gros, n’en déplaise à ces mêmes catastrophistes – d’aucuns pourraient qualifier leur discours d’intéressé – et comme le chante Plume, la réalité démographique québécoise rend incontournable l’arrivée de néo-québécois. 

Restera ainsi à poursuivre l’œuvre de Laurin, en y ajoutant peut-être une dimension romantique: quand même que l’on tire sur une fleur, celle-ci ne poussera pas plus vite. Suffit, au contraire, de lui donner l’attention, et l’amour, qu’elle mérite. Théâtre, poésie, littérature, chanson, enseignement. Que les francophones du monde entier, au nombre de 300 millions, y voient un lieu d’attrait. Un forum d’épanouissement individuel et collectif. Une oasis artistique de fraternités humanistes. Un laboratoire sociologique où se mixte la francophonie, maternelle ou non, sous tous ses angles, couleurs et vertus.  

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