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Je veux être heureux, monsieur

Photo du chroniqueur Frédéric Bérard avec titre de sa chronique, In libro veritas
Photo: Métro

CHRONIQUE – Un jeune iconoclaste nommé John Lennon se fait questionner par son prof: et toi, John, que veux-tu devenir dans la vie?

-Je veux être heureux, monsieur.

-T’as pas compris le sens de la question, John.

-C’est plutôt vous qui n’avez pas compris le sens de la vie, monsieur.

Ce knock-out m’est venu en tête cette semaine lorsque Michel Langevin, morning man de Cogeco, m’a proposé de tenir ma chronique sur la présente rentrée scolaire. Sans être spécialiste de pédagogie appliquée, pas besoin de la tête à Papineau afin de comprendre les ratés du système. La faute des profs? Tout le contraire, en fait. Ceux-ci tiennent le fort, dans des conditions quasi-merdiques, à grands coups de dévouement, dévotion et altruisme, sèment au quotidien les graines d’apprentissage nécessaires à notre vie sociétale. Pas les profs, le problème, mais plutôt nos conceptions et valorisation de l’enjeu. Facile de clamer l’éducation comme priorité électorale, marotte classique du politicien occidental post-moderne, mais quelles réalisations concrètes, au Québec, depuis la Révolution tranquille et autres cégeps? Phokall.

Un taux d’alphabétisation fonctionnelle variant, selon les études, de 28 à 49%. Pure catastrophe. Les compétences transversales? Daphoque? Des écoles en décrépitude, des moisissures. Malgré bientôt 18 mois de pandémie active, encore une absence complète de ventilation digne de ce nom, mettant en péril profs et personnel, lesquels se voient dans l’obligation, comme seule mesure sanitaire valide, d’ouvrir…. les fenêtres. L’éducation? NOTRE PRIORITÉ!! Une xxx de chance.

Plutôt l’impression, à les voir aller depuis quelques décennies, que nos ministres de l’Ignorance et leurs sbires fonctionnaires ont récupéré la (révélatrice) boutade du Cheuf Duplessis : L’éducation, c’est comme l’alcool, y en a qui ne supporte pas ça! Eux-mêmes en premier lieu, manifestement.

Question, d’ailleurs : un parti qui s’entête à conserver en poste un ministre contesté comme l’est Jean-François Roberge peut-il légitimement clamer sa sincérité en l’espèce? Pense pas. Particulièrement si ton premier ministre pousse le bouchon du cynisme à l’extrême en essayant de faire croire aux intellos-quidams sa nouvelle passion pour la lecture, et ce, à grands coups de plusieurs dizaines de bouquins annuellement. Un gars début 60aine qui attend de devenir PM, en pleine pandémie, avant de découvrir l’épiphanie? Niaise-nous donc (et salutation au staff qui se tape en vrai les ouvrages payants, soit ceux de membres de la communauté médiatique qui retourneront naturellement l’ascenseur de la lichette suprême). Petit truc, d’ailleurs: attendez donc au moins une semaine avant de publier votre recension d’un ouvrage de 848 pages sorti avant-hier, genre la bio d’Obama. Côté boulechitte, sera moins patent. 

***

Henry David Thoreau est reconnu comme l’un des pères de la désobéissance civile américaine, sinon internationale, ayant influencé ses successeurs-icônes, Luther King au premier chef. Ce qui est moins connu de l’auteur de Walden ou la vie dans les bois, par contre, est son rôle de tuteur stratégique pour une pléiade d’enfants du Massachussetts, lesquels lui étaient référés par certains potes demeurés, au contraire de lui, dans la civilisation. Dur, exigeant mais juste, le leitmotiv éducationnel de Thoreau auprès de ses pupilles d’occasion était systématique: pensez par vous-mêmes, soyez critiques, rejetez la norme (au besoin), nagez à contre-courant et référez, comme seul phare, à votre âme et conscience. Genre de libre-arbitre sartien avant le temps. Parce que «si seul je ne peux rien faire contre ce qui me révolte, en faisant un pas de côté hors de la société où je vis, je laisse parler conscience. Et si je passais à l’action?».

Cette formation d’esprits critiques essentielle au bonheur individuel et collectif, je le crains, est maintenant étrangère à notre système d’éducation. Idem, par exemple, pour les cours d’empathie dispensés par les écoles du Danemark. Cours d’empathie? Ouais. Se mettre à la place de l’Autre. Le comprendre. L’aimer pour ce qu’il est. Son vécu. Embrasser l’existence dans sa subtilité et nuances, à pleine bouche. Apprendre à devenir heureux, quoi.

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