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2021, le début d’un réveil collectif sur le génocide des Autochtones?

Des milliers de personnes se sont réunies lors d'une marche en hommage aux victimes des pensionnats pour autochtones.
À Montréal, des milliers de personnes se sont réunies lors d'une marche en hommage aux victimes des pensionnats pour autochtones. Photo: Gracieuseté/Amy Striemer

L’année 2021 a été marquée par la découverte de plus de 1300 sépultures non marquées sur des sites d’anciens pensionnats pour Autochtones au Canada. Est-ce le début d’un réel réveil collectif sur l’ampleur du génocide subi par les peuples autochtones? Ou bien assisterons-nous à un autre cycle d’apathie?

La découverte de restes d’enfants autochtones n’a pas été une surprise pour les membres des communautés autochtones qui vivent encore avec les traumatismes intergénérationnels des pensionnats. Mais elle a tout de même été bouleversante. 

Lorsqu’il a appris la nouvelle, l’enseignant de théâtre et militant abénaki Xavier Watso a d’abord été envahi par la colère. «C’est rien de nouveau pour nous, mais c’est juste frustrant que ça prenne ça pour qu’on ait une reconnaissance de la part du public», explique-t-il.

D’un autre côté, Xavier Watso, qui est aussi chroniqueur pour Métro, convient qu’il a vécu une forme de soulagement. «Enfin! On va commencer à nous croire. Enfin! On va pouvoir vivre notre deuil…», dit-il.

Sébastien Brodeur-Girard, professeur à l’École d’études autochtones de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, rappelle que le rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada mentionnait précisément qu’il restait des milliers de corps d’enfants à découvrir. «C’est une surprise pour le grand public, mais c’est une surprise qui n’aurait jamais dû en être une», ajoute-t-il. 

La présidente du Foyer pour femmes autochtones du Québec, Nakuset, pense qu’il faut fouiller tous les sites des pensionnats. D’ailleurs, le nombre de corps trouvés continue d’augmenter.

«Aveuglement volontaire» et prise de conscience

La crise d’Oka, Idle No More, Wet’suwet’en, les multiples commissions et plus récemment le décès de Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette: depuis les trois dernières décennies, les projecteurs ont été maintes fois braqués sur les enjeux relatifs aux peuples autochtones.

«Depuis 2006, à chaque deux ans, il y a une nouvelle cause autochtone qui est mise de l’avant», souligne Xavier Watso.

Bien que des événements reviennent régulièrement dans l’actualité, les allochtones préfèrent détourner les yeux, indique Sébastien Brodeur-Girard. «C’est en grande partie ça, l’histoire de notre relation avec les peuples autochtones. C’est cet aveuglement volontaire qui finit par devenir involontaire», affirme-t-il.

Est-ce qu’avec les récentes révélations on pourra assister à un véritable réveil à propos du génocide des Autochtones? «Difficile à dire», répond M. Brodeur-Girard. Toutefois, il note qu’il y a, petit à petit, une prise de conscience plus importante de la part du grand public. Plus particulièrement des jeunes, mais aussi des médias. «On constate qu’il y a quand même de véritables changements par rapport à quelques années», ajoute-t-il. 

De son côté, Xavier Watso pense qu’il n’y a pas de retour en arrière. «Ce n’est plus jamais une porte qu’on va devoir refermer, déclare-t-il. On peut juste aller de l’avant parce qu’on ne fait que retrouver de nouveaux corps.»

Impact de possibles découvertes au Québec

Pour le moment, aucune fouille n’a été entamée au Québec, bien que le gouvernement de François Legault s’est montré ouvert à entreprendre un tel processus. Est-ce que des découvertes de tombes dans la province forceraient ceux qui ont tendance à rejeter le blâme au sujet des pensionnats sur le fédéral et l’Église à être plus empathiques?

Bien qu’il ne souhaite pas qu’on trouve des corps d’enfants autochtones, Xavier Watso pense que cela pourrait contribuer à une plus grande prise de conscience. 

Pour sa part, le professeur Sébastien Brodeur-Girard pense qu’il y aurait une résistance de certains milieux malgré tout. «Ce n’est pas une position facile à négocier d’être à la fois l’oppresseur et l’opprimé», souligne-t-il.

«C’est difficile pour un Québécois, qui a développé son récit national autour de la notion de la victime colonisée qui réussit à s’en sortir, d’admettre que son peuple peut avoir participé à la colonisation d’autres groupes minoritaires», précise-t-il.

M. Brodeur-Girard rappelle que le Québec a aussi sa part de responsabilité dans les horreurs commises dans les pensionnats. «Le personnel des églises catholiques a été beaucoup des Québécois, justement. Des Canadiens français qui sont allés travailler dans l’Ouest. Donc il y a une part de nous là-dedans.» 

Il ajoute que plusieurs francophones ont fait partie du gouvernement fédéral.

Vérité, réparation et réconciliation

Une chose est certaine: avant d’arriver à une réelle réconciliation, les Autochtones ont besoin de connaître la vérité. 

Nakuset souhaite qu’on convoque les anciens dirigeants des pensionnats à comparaître devant les tribunaux afin de trouver les réels coupables. Et si le gouvernement ne le fait pas, la femme crie pense que c’est aux membres de la société de le faire. «Pour l’Holocauste, ils ont fait venir des personnes en fauteuil roulant et leur ont demandé de témoigner, souligne-t-elle. On a besoin de montrer qui était impliqué. C’est ce qu’il faut pour que ça change.»

Entre la vérité et la réconciliation, il y a la réparation, ajoute Xavier Watso. «C’est une étape que tout le monde essaie de sauter, surtout les gouvernements. Parce que la réparation, ça veut dire trouver des coupables, mais aussi avoir des compensations d’une certaine façon», mentionne-t-il. 

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