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Vague de fractures dentaires causée par le stress pandémique

Photo: GoodLifeStudio/iStock

Le stress provoqué par la situation pandémique donne du travail aux dentistes. Plusieurs d’entre eux ont remarqué une hausse des consultations pour des maux de mâchoire ou des fractures de dents. Et le problème n’est pas observé qu’au Québec.

Le Dr Alain Aubé, de la Clinique de l’Institut canadien d’occlusion, qui se spécialise dans le traitement des troubles de la mâchoire et de l’occlusion des dents, affirme que son temps d’attente a explosé depuis le début de la pandémie.

Avant la pandémie, j’étais booké deux mois à l’avance. En ce moment, si vous appelez chez nous parce que vous avez mal à la mâchoire, c’est en novembre que je vous verrai [huit mois d’attente].

Le Dr Alain Aubé, de la Clinique de l’Institut canadien d’occlusion

Selon lui, le stress causé par la pandémie, observé par plusieurs experts de la santé mentale, pourrait bien expliquer cette situation. «Psychologiquement, un humain stressé, ça serre des dents. Quand on serre des dents dans un système qui est déséquilibré, bien que voulez-vous que je vous dise, ça pète de partout!», dit le dentiste.

Le phénomène n’est pas que nord-américain. Il y a quelques jours, le journal numérique Today, basé à Singapour, faisait lui aussi état du problème en citant un dentiste local. Même chose du côté de Chicago, où le Chicago Tribune a aussi consacré un article au sujet. On y affirme même que 63% des dentistes sondés par l’American Dental Association Health Policy Institute disent avoir vu plus de patients avec des dents endommagées ou complètement fêlées depuis le début de la pandémie.

Possible à prévenir?

Pour le Dr Aubé, la première étape à franchir afin de prévenir ces fractures dentaires est de prendre conscience de la relation de cause à effet entre les resserrements de la mâchoire et les fractures.

La réaction humaine normale de quelqu’un qui a mal à la mâchoire, c’est d’avoir tendance à serrer davantage, parce que lorsqu’on serre, ça engourdit le mal. Le problème, c’est que lorsqu’on relâche, le mal revient plus fort. On se trouve dans un cercle vicieux. Il faut prendre conscience de ça et arrêter.

Le Dr Alain Aubé, de la Clinique de l’Institut canadien d’occlusion

Mais est-ce facile d’en prendre conscience? Pas nécessairement. «Il y a beaucoup de gens pour qui c’est nocturne et inconscient. Ce sont des stress qui sont libérés pendant la nuit. Mais il y en a aussi beaucoup pour qui c’est diurne et inconscient. D’autres pour qui c’est diurne et conscient, et même certains pour qui c’est nocturne et conscient.»

Des gens qui se réveillent la nuit avec les dents bien serrées, ou qui rêvent qu’ils se pètent les dents et qui se réveillent avec les dents collées ensemble, j’entends ça tous les jours.

Le Dr Alain Aubé, de la Clinique de l’Institut canadien d’occlusion

Comme une roche dans un soulier

Au-delà des angoisses que provoquent les circonstances pandémiques, la fragilité du corps humain est au cœur du problème, explique le Dr Aubé. L’articulation de la mâchoire est une petite penture, explique-t-il.

«Il y a un petit cartilage qui fait le tampon entre deux os. Ce disque-là est attaché par des ligaments qui sont très fragiles. Quand on est enfant, qu’on joue, qu’on tombe et qu’on se cogne, on déchire les ligaments qui tiennent les disques et ils se déplacent. Une fois qu’ils sont déplacés, la tête osseuse [de l’articulation] grandit moins bien, ce qui fait que toute la mâchoire du bas se développe moins bien. Ça déclenche une suite de phénomènes qui fait que l’ensemble des mâchoires ne grandit plus bien. À partir de là, les côtés droit et gauche ne sont pas pareils. Le haut et le bas n’ont pas les mêmes défauts. On se retrouve donc presque tous avec des défauts dans l’emboîtement de nos dents.»

Dans un article publié dans le Scientific American, l’anthropologue Peter S. Ungar affirme d’ailleurs que 9 personnes sur 10 ont des dents désalignées ou une malocclusion dentaire.

«Tout ça fait l’effet que j’appelle l’effet roche dans le soulier, poursuit le Dr Aubé. Si vous avez à marcher avec un caillou dans le soulier, vous allez marcher avec le pied tordu pour l’éviter. Ça crée un stress dans toute la jambe, le bas du dos, la hanche, etc.»

«Dans la mâchoire, c’est ce qui se passe. Comme les dents ne ferment pas bien, les muscles travaillent de façon désordonnée. C’est ce qui fait qu’on a des forces excessives mal dirigées tantôt sur une dent, tantôt sur une autre. Ça finit par trop forcer quelque part», résume le dentiste.

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