Le FRAPRU réclame une «politique globale d’habitation»
Plus d’une centaine de personnes en provenance de huit municipalités québécoises ont marché dans les rues du centre-ville de Montréal samedi après-midi afin de réclamer du gouvernement provincial des investissements massifs en logement social et abordable ainsi que la mise en place d’une «politique globale d’habitation».
Répondant à l’appel du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), les manifestants en provenance de Gatineau, Longueuil, Châteauguay, Beauharnois, Trois-Rivières, Joliette, Québec ainsi que Montréal se sont réunis vers 13h30 dans le quartier chinois.
Ils ont ensuite entamé une marche qui les a menés jusqu’aux bureaux montréalais du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.
La porte-parole du FRAPRU Véronique Laflamme souligne que les effets de la crise du logement se font sentir partout dans la province en ce moment.
«Les gens font face à des crises majeures, la détresse est en augmentation. Les comités logement, les membres du FRAPRU de différentes régions qui sont ici aujourd’hui, ce qu’ils constatent à tous les jours est une détresse épouvantable et on n’a pas de solution à offrir aux gens parce que les mesures structurantes ne sont pas là», a-t-elle expliqué en entrevue à Métro.
Elle avance par ailleurs qu’à Montréal 300 ménages se sont retrouvés sans logis et ont dû être accompagnés par des organismes en logement cette année alors que le nombre de ménages en attente pour un HLM aurait récemment dépassé le cap des 24 000.
«La crise du logement prend de l’ampleur et s’approfondit entre autres à Montréal, où même s’il y a une disponibilité, les logements disponibles sont extrêmement chers. On a l’impression actuellement que le Québec abandonne les locataires face à un marché débridé. On le voit tous les jours avec des témoignages de rénovictions, de hausses abusives [de loyer]», souligne-t-elle.
Elle soutient qu’une politique globale d’habitation permettrait la mise en place d’un ensemble de mesures structurantes qui pourraient permettre «d’enlever la pression» sur les locataires.
«Il faut financer le logement social massivement, mais aussi encadrer le marché privé et surtout baser les interventions gouvernementales sur les besoins les plus urgents», précise la porte-parole du FRAPRU.
Élections à l’automne
Alors que les Québécois voteront pour élire un nouveau gouvernement cet automne, le FRAPRU a commencé d’interpeller les partis politiques pour tenter d’obtenir de ceux-ci des «engagements clairs» en matière de droit au logement, de financement de logement social et de protection des locataires.
«Les besoins sont urgents et ça ne peut pas attendre la campagne électorale pour qu’ils prennent des engagements qui prendraient ensuite quatre ans à réaliser. Il faut que le gouvernement agisse maintenant», avertit toutefois Mme Laflamme.
Celle-ci mentionne par ailleurs un sondage récent mené par la firme Angus Reid auprès de 865 répondants qui suggère que 72% des Québécois trouveraient que la gestion caquiste en matière de logement abordable est peu ou très peu satisfaisante.
Budget
Dans le budget 2022-2023 présenté aux Québécois le 22 mars, le gouvernement caquiste a annoncé, en matière de logement social, une somme de 247 M$ afin de permettre de «compléter la livraison de 3500 logements sociaux et abordables» par l’intermédiaire du programme AccèsLogis.
Rappelons que ce programme a pour but de réaliser des logements communautaires et abordables pour des ménages à revenu faible ou modeste et pour des personnes ayant des besoins particuliers en habitation.
Dans un communiqué paru le 24 mars, le cabinet de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation précisait que des 247 M$ qui ont été annoncés au budget, 30 M$ devraient servir à des projets d’habitation à Montréal.
«Cette injection d’argent supplémentaire dans ce programme porte à plus de 977 M$ l’effort gouvernemental en vue d’assurer la réalisation de différents projets de logements sociaux et abordables», peut-on lire dans le communiqué.
Si elle salue l’annonce de ces investissements comme une bonne nouvelle, Mme Laflamme avance toutefois que rien n’est prévu dans le budget caquiste pour lancer des projets de nouveaux logements qui n’avaient pas déjà été planifiés au sein d’AccèsLogis.
«Il n’y a aucune nouvelle unité qui permettrait à des projets qui ne sont pas déjà prévus depuis plusieurs années de se réaliser. Il y a des sommes prévues pour AccèsLogis, mais c’est pour réaliser des projets déjà programmés, mais pour lesquels le financement n’était pas suffisant. Le fait qu’il n’y ait aucune nouvelle unité dans le cadre de nouveaux projets, ça force un statu quo inacceptable», soutient-elle.
Programme PHAQ
Le 3 février dernier, Québec lançait le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), qui est doté d’une enveloppe de près de 200 M$ pour construire 2200 logements abordables privés destinés soit à des ménages à revenu faible ou modeste, soit à des personnes ayant des besoins particuliers en habitation.
Qualifiant le programme actuel AccèsLogis de «lent» et de «très lourd», la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, soutient que le PHAQ viendra donner un «sérieux coup de pouce» à ce dernier. Le programme a, depuis l’annonce initiale, déjà été bonifié de 100 M$ pour la construction de plus de 1000 logements supplémentaires.
Le directeur général de l’Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ), Éric Cimon, était présent à la marche du FRAPRU, samedi. Il dit s’inquiéter que le PHAQ en vienne à remplacer AccèsLogis éventuellement.
«AccèsLogis reste en place, mais il n’y a aucun nouvel argent pour des programmations de nouvelles unités. Notre grande inquiétude est que le PHAQ permette au privé de remplacer avec les logements abordables, mais qui ne sont pas pérennes. Les projets ont une limite de temps. Après la convention du projet est échue, le propriétaire peut faire ce qu’il veut. Et ce n’est pas parce que c’est du logement abordable que c’est du logement qui est adapté pour les clientèles», explique M. Cimon.
Contacté par Métro, le cabinet de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, n’a pas réagi à cette nouvelle, samedi.