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Le Canada veut réduire le nombre de Noirs en prison

La prison de Bordeaux, à Montréal. Photo: Pablo Ortiz, Métro.

Ottawa vient de mettre sur pied un Comité de neuf experts en vue d’étudier de près la surreprésentation des personnes noires dans les systèmes judiciaire et carcéral. Ces experts sont tous Noirs. Certains sont avocats, dont deux sont Montréalais: Me Suzanne Taffot et l’avocat criminaliste Fernando Belton, connu pour son travail sur la question du profilage racial. En entretien avec Métro, ce dernier prévient déjà qu’«un changement de paradigme va s’opérer au sein du système».

Le ministre canadien de la Justice, David Lametti, a créé le 20 mars dernier le Groupe directeur de la stratégie canadienne pour les personnes noires. La «réalité est que les personnes noires sont surreprésentées dans notre système de justice, à la fois comme victimes, mais aussi comme accusées» a fait valoir le ministre de la Justice.

Selon les données du ministère de la Justice datant de 2021, il y a environ 12 400 détenus sous la garde du Service correctionnel du Canada. 32 % sont autochtones, 9 % sont noirs, 5 % sont asiatiques, 1 % sont hispaniques, 7 % sont multiraciaux/ethniques et autres. En 2020-2021, les adultes noirs (âgés de 18 ans et plus), qui représentaient environ 4 % de la population adulte au Canada, étaient systématiquement surreprésentés dans les admissions provinciales dans les services correctionnels (détention et services communautaires).

«La discrimination à laquelle [les personnes noires] font face est systémique et notre réponse doit être ambitieuse, globale et juste», estime le ministre Lametti. De son côté, la commissaire du Service correctionnel du Canada, Anne Kelly, croit qu’il est prioritaire d’accroître l’accès à des interventions, des programmes et des services diversifiés et inclusifs qui tiennent compte des différences culturelles.

«Nous donnons la possibilité à de nouveaux groupes et experts de se manifester, en particulier à la lumière de nos efforts accrus pour mieux soutenir les délinquants noirs, ethnoculturels et racisés», dit-elle dans un communiqué conjoint avec le gouvernement fédéral.

Dans le cadre de ses travaux, le Groupe directeur procédera à des consultations publiques au sein des communautés noires de l’ensemble du Canada et travaillera avec d’autres spécialistes et dirigeants communautaires. Il sera d’abord question d’interpellation policière, de profilage racial, et du processus judiciaire allant du passage à la cour jusqu’à la sentence, explique Me Belton.

Les sentences et leur durée seront analysées par le comité. «On essaie de regarder de quelle façon le racisme anti-noir a contribué à faire en sorte que certaines personnes reçoivent des peines de prison beaucoup trop importantes», dit-il.

De plus en plus de juges conscients du racisme

Le Groupe directeur se propose aussi de regarder la jurisprudence à travers le Canada, comme en Ontario par exemple. Dans cette province, lorsqu’une personne noire est reconnue coupable d’une infraction, elle peut demander que soit colliger dans un rapport la «mesure des impacts du racisme sur la responsabilité morale de la personne coupable». Le même principe existe pour les Autochtones.

Maître Fernando Belton croit qu’il y a encore du rattrapage à faire pour que les gens victimes de profilage obtiennent davantage justice.

L’idée, ce n’est pas d’avoir des peines bonbon, mais de tenter de comprendre que l’on est dans un système qui pendant très longtemps a fait fi de certaines préoccupations liées au racisme systémique.

Me Fernando Belton, membre du Groupe directeur

Le Groupe directeur travaillera sur un total de cinq piliers, dont la judiciarisation et le profilage racial. Le Code criminel et les directives aux procureurs de la poursuite feront partie des points qui seront abordés dans le cadre de ces états généraux sur la surreprésentation carcérale. «On est appelé à voir de plus en plus de juges qui tiennent compte des réalités de racisme anti-noir systémique qui ont existé au sein du système de justice pénale», croit l’avocat Fernando Belton.

Mais, sans la collaboration des provinces comme le Québec, le travail du Groupe directeur pourrait rencontrer des embuches. Car, si le Code criminel est de compétence fédérale, l’administration de la justice est provinciale. «La 2e étape de ce processus devra nous amener à un travail étroit avec les gouvernements des provinces pour donner un plein effet aux recommandations de ce comité», dit M. Belton.

Le Groupe directeur dispose d’un an pour produire son rapport final auprès du ministre fédéral de la Justice.

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