Mouvement pour la vérité sur le 11 septembre 2001: Chercheurs de vérité ou imposteurs ?
Le matin du 11 septembre 2001, quatre avions sont détournés par des pirates de l’air. La suite a marqué à jamais l’imaginaire de millions de personnes. Le Mouvement pour la vérité sur le 11 septembre s’est intéressé à cette tragédie et a remis en doute de nombreuses conclusions des enquêtes menées sur ces attentats. Même s’ils connaissent une popularité grandissante, les contestataires de «l’histoire officielle» font face à de sévères critiques. Alors qu’une conférence du mouvement s’amène à Montréal, Métro s’est penché sur la question.
Mouvement. Le Mouvement pour la vérité sur le 11 septembre, dont les partisans sont aussi connus sous le nom de Truthers, est apparu aux États-Unis peu de temps après les attentats de 2001. Plaidant pour une enquête indépendante qui contribuerait, selon lui, à prouver l’implication de l’administration Bush dans la préparation des attaques, le Mouvement est parvenu à rallier des millions d’Américains et de Canadiens.
Un récent sondage dévoilé par The Fifth Estate, de la CBC, indique même qu’un Américain sur deux et un Canadien sur trois croient que les événements du 11 septembre 2001 seraient la conclusion d’un vaste complot. Plusieurs chercheurs et scientifiques contestent toutefois les hypothèses des Truthers, allant même jusqu’à qualifier leurs interventions de dangereuses.
«Des preuves renversantes»
Le Mouvement pour la vérité sur le 11 septembre est mené par l’architecte Richard Gage. Cet américain, fondateur d’Architects and Engineers for 9/11 Truth, affirme avoir cru les explications de l’administration du président George W. Bush et de ses experts pendant quatre ans avant de changer son fusil d’épaule.
«J’ai cru les experts, en partie parce que, comme toute l’Amérique, j’étais en état de choc et je ne réfléchissais pas de façon rationnelle, explique M. Gage. Les experts sont rapidement parvenus à expliquer comment le feu avait fragilisé les tours et provoqué leur écroulement. Mais ils nous ont caché de nombreuses preuves que nous avons pu consulter au cours des six dernières années.»
Richard Gage clame que les Truthers ne s’appuient que sur des faits scientifiques, qu’ils analysent grâce à «des images et des vidéos» trouvées sur l’internet, et qu’ils évitent les théories du complot. Julien Tourreille, chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM, ne partage pas cette opinion. «Le mouvement des Truthers n’est que le mouvement le plus récent et le plus connu des histoires des théories du complot aux États-Unis», indique-t-il.
Progrès technologiques
Les Truthers recrutent chaque année des millions de partisans. «Ce ne sont pas seulement des jeunes dans la rue, ce sont aussi des professionnels, des professeurs, des architectes, des ingénieurs, des gens de la CIA», assure Jean-François Ranger, fondateur du site World for 9/11 Truth et organisateur de la conférence de Richard Gage présentée début mai.
Cette popularité grandissante s’explique facilement, selon Julien Tourreille. «Les Truthers s’attaquent à un événement qui a été vraiment marquant et s’appuient sur les progrès technologiques, soutient-il. Avant, les théories du complot étaient diffusées à partir de gens un peu isolés qui écrivaient leur journal. Maintenant, avec l’internet, elles traversent les frontières.»
Malgré cette facilité à communiquer, le Mouvement pour la vérité sur le 11 septembre demeure relativement marginal. Encore aujourd’hui, peu de médias dits traditionnels lui ouvrent leur porte. «Il y a très peu de journalistes qui ont le courage de rapporter ce que nous avons découvert», avance Richard Gage.
«Les médias utilisent la technique propagandiste du name-calling, ajoute M. Ranger. Ils nous traitent de conspirationnistes pour être sûrs que le débat n’entre pas dans les vraies questions.»
Cette couverture médiatique limitée n’est pas sans plaire au chercheur de la Chaire Raoul-Dandurand. «J’ai tendance à croire que c’est sain qu’on n’en sache pas plus sur ce Mouvement, déclare M. Tourreille. Il faut être clair, ces gens sont des menteurs, des imposteurs et des escrocs.»
Le professeur titulaire au département de l’Université de Montréal Pierre Martin abonde dans le même sens. «Il n’est aucunement pertinent de donner quelque attention que ce soit à ce Mouvement, affirme-t-il. Les élucubrations de ce genre devraient être reléguées aux oubliettes.»
Un mouvement sectaire?
Le leader des Truthers, Richard Gage, insiste: l’administration Bush a participé à l’organisation des attentats du 11 septembre. Selon le Mouvement, l’administration américaine a autorisé le dynamitage des tours du World Trade Center, elle a abattu le vol 93 de la United Airlines, qui, selon la version officielle, s’est écrasé en Pennsylvanie, et elle a orchestré une attaque à la bombe contre le Pentagone, lequel n’aurait pas été percuté par un avion.
Richard Gage est convaincu que ses preuves sont suffisamment éloquentes pour qu’une nouvelle enquête indépendante sur les attaques soit menée. Pourtant, les Américains ne sont toujours pas montés aux barricades. «Une partie de ce que l’administration Bush a dit est vraie. C’est comme ça qu’elle a bâti un mensonge que tout le monde croit, estime M. Gage. L’Amérique n’est pas prête à connaître la vérité.»
Julien Tourreille rejette sans ambages les hypothèses de Richard Gage. «Les Truthers sont des imposteurs parce que leur raisonnement ne peut pas être contrecarré, martèle-t-il. Si nous leur montrons des preuves qui expliquent le déroulement des événements, ils nous répondent que ça ne fait que prouver que le complot a fonctionné. Ils tirent profit de la naïveté des gens qui sont prêts à les écouter. Ce mouvement tient du mouvement sectaire.»
Le philosophe américain Noam Chomsky en arrive à la même conclusion. «Les théories du complot ne sont pas seulement une énorme industrie, explique-t-il sur son forum. C’est une industrie assez fanatique, presque une sorte de fanatisme religieux.» M. Tourreille juge qu’il est primordial de dénoncer le Mouvement. Il ne croit toutefois pas à la fin du phénomène. «Ces mouvements séduisent les gens parce qu’ils leur font croire qu’ils ont découvert un secret, rappelle-t-il. Leurs adeptes ont l’impression de faire partie d’un petit groupe qui connaît la vérité.»
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