Qui souhaite réellement l’émancipation de la femme voilée?
Hier, sur les réseaux sociaux, le chroniqueur d’un journal populaire s’offusquait, à deux heures d’intervalles, que 1. une jeune musulmane voilée pose avec des oreilles de Minnie sur une photo, et 2. que l’Université Concordia accepte que des étudiantes portent le voile intégral.
Je crois qu’il reprochait à la première de ne pas faire preuve d’autant de pudeur que sa conception de la religion ne le requiert, et à la seconde de donner à des femmes voilées l’occasion de s’émanciper par l’entremise de l’enseignement supérieur.
Évidemment, on suppose d’une part que les deux événements ont bousculé fondamentalement la vision unidimensionnelle de l’Islam de ce chroniqueur : comment est-il possible qu’une femme SOUMISE puisse porter avec autant de désinvolture un costume de souris, et comment serait-il possible que des femmes aussi SOUMISES aient la liberté de s’instruire? On ne peut que se désoler qu’au lieu de se réjouir de ces témoignages d’émancipation de femmes musulmanes, le chroniqueur ait préféré confirmer ses préjugés et se replier sur sa vision diabolique d’une religion qui semble se vivre différemment selon les individus qui l’adoptent. On pourrait même croire qu’il préfèrerait qu’elles demeurent soumises et dépendantes de leur mari opprimant, le contraire générant un lot beaucoup trop important de flous et de nuances, et ça, c’est difficile à gérer. On pourrait aussi considérer que ces deux situations ont été commentées avec autant de misogynie que ne l’aurait fait un imam radical.
Mais ce qui est vraiment rigolo, c’est de tenter de comprendre chacune de ces sources d’indignation l’une à l’aune de l’autre. Puisqu’une femme portant le voile est sensée faire preuve de pudeur, elle devrait plutôt porter un voile intégral austère, qui n’attire pas trop l’attention et qui cache bien les courbes, un voile qui correspond vraiment à l’idée péjorative et opprimante que l’on se fait de l’islam. Un tchador, tiens, pourquoi pas. Mais alors, il serait inacceptable de la voir fréquenter une université, car ces vêtements, qu’on lui aurait dicté de porter, révèleraient à quel point elle n’est pas suffisamment libérée du joug de la religion pour pouvoir accéder aux études supérieures. Sauf, peut-être, s’il s’agit d’un cours sur l’Islam. Je pense que pour ce chroniqueur, plus la femme voilée semble soumise et opprimée, mieux le Québec s’en porte.