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Les zombies

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miriamfahmy2014 - Directrice de la recherche et des publications à l’Institut du Nouveau Monde

Rameutez les enfants! Barricadez les fenêtres! Ne sortez surtout pas dehors! Ils sont là! Les zombies sont là!

Il y a les films de zombies. Les séries télé de zombies. Il y a les romans à succès de zombies. Et il y a aussi les idées zombies.

Comme leur contrepartie fictive, ces zombies-dans-la-tête sont des idées qui ont fait leur temps, mais qui s’accrochent. Elles tiennent à régner, toutes déliquescentes soient-elles.

Et pour survivre, elles sucent la vie des idées bienfaisantes. Et grugent quelques cerveaux au passage.

Les environnements qui offrent un terreau fertile aux idées zombies ont généralement un déficit de créativité. La rectitude politique s’y est installée et la peur domine. Les idées zombies prospèrent souvent dans les périodes d’«interregnium», ces moments de l’histoire où, comme le décrivait l’écrivain italien Gramsci, une ancienne vision doit s’effacer, tandis que les nouvelles idées ne sont pas encore mûres. «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et, dans ce clair-obscur, surgissent les monstres.»

En lisant les orientations économiques et budgétaires publiées la semaine dernière par le gouvernement, je me suis dit que la logique globale qui leur servait de justification – couper ou faire faillite collectivement – est une idée zombie.

Oui, oui, l’équilibre budgétaire. Vous ne me trouverez pas dans la catégorie de ceux qui nient son importance. Le service de la dette nous coûte cher.

Mais on peut se demander pourquoi 90% des efforts pour atteindre l’équilibre budgétaire viennent de la réduction des dépenses, compte tenu des conséquences bien connues que ces compressions budgétaires draconiennes ont sur la qualité des programmes sociaux, la capacité à protéger les Québécois contre les risques de la vie, la protection de l’environnement, le progrès social et la prospérité.

Penser que les programmes sociaux sont des «dépenses» qu’il s’agit simplement de «couper» en faisant un «effort», n’est-ce pas réducteur et facile? Ces dépenses ne sont-elles pas des investissements? Comparer les finances de l’État à un budget familial n’est-il pas simpliste?

On cherche dans un coffre à outils des années 1980 des solutions à des problèmes de 2014. Les vieilles recettes ne produisent plus les résultats recherchés, mais on les applique encore, comme sur un pilote automatique. La déconfiture des économies européennes, plombées par les mêmes politiques d’austérité que notre gouvernement souhaite maintenant nous servir, en est une preuve éloquente.

L’Europe est lentement, péniblement, en train de tirer la leçon du fait que de nouvelles approches sont nécessaires pour assurer la vitalité économique tout en protégeant la solidarité et la paix sociales. Ces nouvelles approches ont été proposées et formulées par certains des économistes et politologues les plus réputés mondialement. Mais il semble que les idées zombies exercent une fascination morbide, et qu’il est difficile de s’en débarrasser pour de bon.

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