Loi 59: Adil Charkaoui se dit bâillonné
QUÉBEC – Adil Charkaoui prétend que les élus de l’Assemblée nationale ont cherché à le faire taire, pour ne pas entendre son message contre l’islamophobie.
Le malaise était palpable, mardi soir, dans la salle du parlement où le porte-parole du Collectif québécois contre l’islamophobie présentait son mémoire sur le projet de loi 59, destiné à contrer les discours haineux et l’appel à la violence contre certains groupes.
D’entrée de jeu, Adil Charkaoui a rejeté catégoriquement le projet de loi, jugeant qu’il avait le tort de ne pas définir les concepts abordés et, surtout, de ne pas contribuer à lutter contre l’islamophobie.
Il a dit que le projet de loi 59 n’était soutenu par aucune donnée probante, aucune étude, et risquait de stigmatiser davantage la communauté musulmane.
«On m’a empêché de parler!», a soutenu en point de presse M. Charkaoui, s’estimant «diabolisé» par les élus après son témoignage.
Dans un climat tendu, les échanges avec les parlementaires ont en fait été très brefs car la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a refusé de lui poser des questions, compte tenu que M. Charkaoui rejetait le projet de loi dans son ensemble.
Dans les rangs de l’opposition, la réaction a été la même: pas de questions.
Normalement, la discussion aurait dû durer environ une heure, mais tout était terminé après moins de 30 minutes.
«Poliment, on nous fait taire», a réagi M. Charkaoui, qui a dû être ramené à l’ordre à maintes reprises par le président d’assemblée parce qu’il ne respectait pas le décorum et les droits de parole de chacun. Surtout, ses propos dépassaient largement le cadre de la consultation.
Il a nié qu’il existait une montée du radicalisme au Québec. Il a dit qu’on voulait s’attaquer à des phénomènes comme les mariages forcés, les crimes d’honneur, la polygamie ou l’excision, sans aucune étude quantitative pour appuyer une telle intervention.
La députée caquiste de Montarville, Nathalie Roy, a été la plus cinglante, en lui lançant: «Vous n’avez aucune crédibilité». A ses yeux, il ne représente pas la communauté musulmane du Québec.
Plus tard, en point de presse, elle s’est interrogée à savoir s’il était pertinent pour l’Assemblée nationale d’offrir une tribune à ce «personnage incapable de condamner l’État islamique».
L’hiver dernier, on a rapporté que des jeunes Québécois, dont certains avaient suivi les cours de M. Charkaoui, étaient partis rejoindre l’État islamique. Par la suite, deux cégeps de Montréal, le Collège de Rosemont et le Collège Maisonneuve, ont annulé les contrats de location de salles où ce dernier donnait ses cours. M. Charkaoui avait dénoncé cette décision.