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Couillard-Autochtones: rencontre en demi-teintes

MONTRÉAL – Les chefs autochtones sont sortis à moitié satisfaits de leur rencontre avec le premier ministre Philippe Couillard, mercredi matin à Montréal, alors que ce dernier a montré un certain empressement à répondre à leurs doléances tout en appelant le gouvernement fédéral à assumer les responsabilités qu’il a négligées envers les Premières Nations.

«De toute évidence, plusieurs chefs sont restés sur leur appétit par rapport à une enquête indépendante sur les agissements de la Sûreté du Québec (SQ)», a déclaré le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, à l’issue de la rencontre, qui a duré plus de deux heures.

Le premier ministre Couillard s’était rendu à l’invitation lancée par le chef Picard en marge des allégations d’abus de pouvoir et d’inconduite sexuelle de policiers de la SQ à l’endroit de femmes autochtones dans la région de Val-d’Or, en Abitibi. Il a profité de l’occasion pour lancer un appel au calme, tant à l’endroit des communautés des Premières Nations que des communautés non autochtones.

«Tout le monde a droit au respect. Tout le monde a droit au respect des droits», a-t-il déclaré en conférence de presse après la réunion.

Cet appel visait à désamorcer une situation qui demeure tendue sur le terrain, selon Ghislain Picard, qui dit recevoir des informations «sur de possibles gestes d’intimidation et de représailles de la part de la Sûreté du Québec». Il affirme également que les autorités autochtones continuent de recevoir des signalements d’abus de la part de femmes de leurs communautés.

Le grand chef de la nation crie, Matthew Coon-Come, a été plus tranchant, parlant des «atrocités commises par la SQ» et se disant déçu qu’Ottawa soit prêt à enquêter sur les femmes autochtones assassinées et disparues mais pas sur celles qui sont encore vivantes.

M. Coon-Come a longuement parlé de la nécessité de reconnaître que les conditions déplorables des Autochtones en matière de logement, de santé publique et de pauvreté étaient une conséquence du racisme envers ces communautés.

Le premier ministre Couillard s’était présenté à la rencontre avec une enveloppe de 6 millions $, destinés notamment à un centre de jour et de répit, au Centre d’amitié autochtone et à un projet de logements sociaux.

Il a cependant profité de l’occasion pour rappeler le gouvernement fédéral à ses devoirs, pointant du doigt sans toutefois le nommer le précédent gouvernement conservateur.

«Depuis quelques années, le gouvernement fédéral s’est retiré d’une partie de son rôle fiduciaire historique avec les Premières Nations (…) alors que des situations connues persistent, par exemple sur le logement, l’accès à l’eau potable, l’électricité: pas acceptable pour un pays de la richesse du Canada; pas acceptable de voir cet écart persister», a laissé tomber Philppe Couillard, en invitant Ottawa «à reprendre rapidement sa place de fiduciaire dans les responsabilités qui sont les siennes».

M. Couillard a de plus annoncé la nomination de la professeure Fannie Lafontaine comme observatrice indépendante de l’enquête criminelle du Service de police de la Ville de Montréal sur les allégations visant huit policiers de la SQ.

Toutes ces mesures ne sont toutefois pas la réponse à un problème dont les racines sont beaucoup plus profondes, une réalité qui est reconnue par les deux parties et que l’on croit systémique plutôt que ponctuelle.

«Il semble y avoir effectivement à l’intérieur de la Sûreté du Québec une culture qui s’exprime différemment lorsqu’il s’agit de nos peuples», a déclaré Ghislain Picard, ajoutant que plusieurs chefs parlent ouvertement de profilage racial.

Québec compte d’ailleurs mettre sur pied à cet effet une «plateforme tripartite» où représentants provinciaux, fédéraux et autochtones seront appelés à examiner les relations entre les Autochtones, la sécurité publique et la justice.

Le premier ministre compte également sur Ottawa pour inclure cette question dans le mandat de la commission d’enquête sur les femmes autochtones assassinées ou disparues promise par Justin Trudeau.

Les chefs des deux communautés autochtones les plus touchées par les événements, deux femmes, ont pour leur part salué les initiatives plus locales du gouvernement Couillard.

«On vit toutes une situation qui n’est pas facile dans la communauté, dans les villes avoisinantes aussi», a déclaré Salomé McKenzie, chef de la communauté de lac Simon.

«Mais ce matin, nous sommes présentes pour soutenir ces femmes et pour pouvoir les accompagner à travers ce qu’elles vont devoir vivre. Ce n’est que le début», a-t-elle dit tout en remerciant le premier ministre pour son ouverture.

Sa collègue Adrienne Anichinapéo, chef de la communauté de Kitcisakik, a pour sa part tenu à souligner que les relations entre sa communauté et la SQ étaient bonnes, mais a exprimé le souhait que les discussions ne restent pas lettre morte.

«Je ne veux pas qu’on mette ça sur une tablette après et qu’on tourne la page. On veut qu’il y ait des choses concrètes qui se mettent en place pour ces femmes, leur sécurité et leur famille.»

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