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Cabinet Trudeau: diversité, expérience, mais gare à la «machine»

Governor General David Johnston joins Prime Minister Justin Trudeau and his new cabinet for a photo at Rideau Hall, in Ottawa, on Wednesday, Nov. 4, 2015. THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick Photo: THE CANADIAN PRESS

À la suite de la nomination du cabinet des ministres du premier ministre du Canada, Justin Trudeau, mercredi, Métro a demandé à une politicologue d’analyser les choix du nouveau dirigeant de l’État.

Carolle SimardPour la professeure au département de science politique de l’UQAM, Carolle Simard, la diversité dont fait preuve le nouveau conseil des ministres de Justin Trudeau, avec notamment la présence d’une femme autochtone à la Justice, de ministres de confession sikhe, de deux ministres en situation de handicap et de la moitié de son cabinet formé par des femmes, est conforme à ses promesses. «Parfois, on a l’impression que la Chambre des communes n’est pas représentative de l’ensemble de la société. Bien qu’il soit impossible de la représenter entièrement, peut-être que c’est un effort pour corriger la situation», avance Mme Simard qui estime que le discours de M. Trudeau se démarque certainement des anciens gouvernements.

La création d’un nouveau ministère dédié entièrement aux sciences en est certainement l’exemple. «Ça démontre l’importance accordée à l’utilisation de données probantes pour le développement de nouvelles politiques. On peut voter des lois à partir de l’intuition, mais là on semble accorder beaucoup plus d’importance aux données scientifiques», observe Mme Simard.

Est-ce donc assuré que ce gouvernement écoutera ses scientifiques? «Je juge l’arbre à ses fruits, seulement. C’est un signal positif, mais parfois la politique fait mauvais ménage avec les faits», reconnaît la professeure.

Elle estime en outre que ces 15 femmes nommées ministres – qui représentent la moitié du conseil des ministres – ont reçu des tâches importantes, et ne semblent pas avoir comblé ces postes pour une simple question d’image. «Je crois qu’on a fait attention pour ne pas faire en sorte que les ministères identifiés naturellement aux femmes leur soient accordés. Les choix sont intéressants, judicieux sans doute, nous le verrons dans l’avenir», ajoute la professeure.

Elle espère toutefois que celles-ci ne recevront pas le même sort que leurs consœurs françaises, qui avaient été ridiculisées par le peuple, en 1995. Le premier ministre de l’époque, Alain Juppé, avait nommé douze femmes au gouvernement, un nombre historiquement élevé. Elles ont toutefois très rapidement été démises de leurs fonctions en raison de leur comportement, ce qui a attiré la risée de la population, qui les ont surnommées «les jupettes». «Espérons que ce virage ne sera pas ridiculisé comme en France», souligne Mme Simard.

Globalement, le nouveau premier ministre semble donc avoir fait de bons choix pour nommer ceux qui dirigeront le gouvernement pour les quatre prochaines années, basant la composition de son conseil «sur l’expérience, le renouvellement, la jeunesse».

Mais attention, dit la chercheuse, l’expérience professionnelle n’est pas toujours synonyme de contrôle dans la fonction publique.

«Ce n’est pas parce que vous êtes une avocate qui a eu beaucoup de succès que vous êtes en mesure de saisir rapidement tous ces mécanismes [relatifs à la fonction publique].» – Carolle Simard, professeure au département de science politique de l’UQAM

«Un ministre qui ne connaît pas le fonctionnement de la machine bureaucratique, qui n’a pas l’expérience gouvernementale, peut facilement se faire avaler par ses fonctionnaires, poursuit-elle. Il doit bien s’entourer de son cabinet et avoir la main mise sur la machine administrative, au risque, sinon, de ne plus être en mesure d’agir ou de répondre aux questions en chambre», avance Mme Simard, qui fait référence notamment aux nouveaux ministres Jean-Yves Duclos et Mélanie Joly, élus pour la première fois députés lors des dernières élections.

Ils font d’ailleurs partie des six députés québécois nommés au sein du cabinet de Justin Trudeau.

«C’est certainement intéressant pour le Québec d’être mieux représenté, d’avoir plus de pouvoir que lorsque nous étions sans arrêt dans l’opposition», reconnaît la professeure de l’UQAM. Elle remarque toutefois que ces ministres québécois «n’occupent pas de ministère économique», à l’exception de Diane Le Bouthillier, ministre du Revenu national. «Ils sont beaucoup dans les relations internationales. C’est important, mais ils ne sont pas au cœur du processus», regrette-t-elle.

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