Ottawa reconnaît les ratés du service de paie
OTTAWA – Le gouvernement fédéral concède que le nouveau système de paie de ses 300 000 fonctionnaires connaît des ratés. Mais s’il minimise le nombre d’employés touchés par des problèmes, le syndicat croit qu’ils se comptent par milliers.
Plusieurs médias ont rapporté des problèmes majeurs depuis l’implantation du nouveau système automatisé Phénix en février. Certains employés n’ont pas pu toucher leur chèque de paie depuis de nombreuses semaines, voire des mois.
En conférence téléphonique jeudi, de hauts fonctionnaires faisant le point sur la situation n’ont pas été mesure d’indiquer combien d’employés se trouvaient ainsi sans salaire. Ils ont toutefois insisté sur le fait qu’il était normal que le système ait des défaillances à ses débuts.
«Même avec de la planification et de la préparation, nous savions que nous allions avoir des défis compte tenu de la complexité et de l’étendue (du changement)», a signalé Brigitte Fortin, sous-ministre adjointe à la direction générale de la comptabilité, gestion bancaire et rémunération.
«Ces défis pouvaient seulement être relevés une fois le système en marche et exposé à un large spectre de scénarios de paie présents à travers le Canada», a-t-elle ajouté.
Elle a indiqué que le gouvernement n’avait reçu que 360 plaintes depuis le mois de février, malgré quelque 700 000 transactions effectuées. «Chaque plainte est traitée avec la plus grande importance, parce que notre priorité, c’est de s’assurer que les gens sont bien payés et sont payés à temps», a-t-elle assuré.
Si des problèmes étaient à prévoir, elle a néanmoins qualifié «d’inacceptable» que des employés soient ainsi sans salaire depuis plus de deux mois. Elle a par ailleurs noté que les employés sans salaire peuvent aller voir leur supérieur pour obtenir un chèque d’urgence.
Mais la situation est bien pire que ne le laisse entendre le gouvernement, croit l’un des syndicats de la fonction publique. Pour Larry Rousseau, vice-président régional de l’Alliance de la fonction publique du Canada, les problèmes — absence de paie, mauvais montants, délais — se comptent plutôt par milliers.
«Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas été payés, mais ça ne veut pas dire qu’ils ont enregistré formellement une plainte», a-t-il expliqué en entrevue téléphonique. À ses yeux, le gouvernement fait preuve d’un «manque de transparence» quand il insiste sur le nombre de plaintes plutôt que de dévoiler le nombre exact des employés affectés.
Ce sont surtout les cas particuliers qui causent des difficultés: nouvelles embauches, retour au travail après un congé de maladie, embauches contractuelles.
Phénix remplace un vieux système de gestion des paies datant des années 1970. Son implantation avait été annoncée par les conservateurs en 2009. Il a été officiellement lancé à la fin février pour environ le tiers des fonctionnaires, avant d’être étendu à l’ensemble des 101 ministères et organismes fédéraux la semaine dernière.
Selon M. Rousseau, il aurait fallu s’assurer que tout soit fin prêt avant de mettre le nouveau système en place, et surtout, appuyer sur la pédale de frein avant de déployer la seconde phase de transition.
«On aurait aimé que ce soit retardé le temps que les programmeurs et les gens responsables du système puissent dire « nous avons fait un test étoffé et approfondi des cas qui normalement présenteraient un défi pour tout système de paie »», a-t-il illustré.
Cinquante employés temporaires de plus ont été affectés au Centre des services de paie de Miramichi, au Nouveau-Brunswick, qui en comptait 550. L’objectif est de faire baisser la pression, alors que le centre est incapable de traiter toutes les demandes.
Avec cet ajout, le nombre d’appels traités a pu passer de 800 à 1900 quotidiennement, a indiqué la sous-ministre.
Mais selon M. Rousseau, ces employés temporaires ne font que répondre aux appels sans toutefois traiter les demandes, ce qui ne fera que remettre à plus tard les problèmes. Il croit que le véritable test aura lieu la semaine prochaine, quand Phénix traitera pour la première fois les paies de l’ensemble des fonctionnaires.