Et si le problème ce n'était pas Netflix?
Comme vous tous, les entrevues de Mélanie Joly à Tout le monde en parle et chez Paul Arcand à la radio m’ont fait pousser de nombreux soupirs de découragement.
J’ai l’habitude d’être irrité par les cassettes des politiciens. Je l’ai écrit souvent sur ce blogue, je serais le premier à refuser l’accès aux micros de nos élus quand ils n’y vont que pour débiter des lignes fabriquées avec une équipe de relation publique.
Par contre, je n’ai pas envie de casser du sucre sur le dos de Mélanie Joly qui, malgré mon exaspération, ne fait que son travail. Elle est l’un des symptômes d’une problématique et non l’entière responsable.
Alors, dans ce dossier où Netflix s’invite au Canada sans payer de taxe et promet de réinvestir de l’argent dans notre industrie, peut-on prendre un pas de recul et, justement, regarder notre industrie?
On décrit le manque de considération pour les productions francophones, mais est-ce que Netflix est vraiment le grand responsable de ça? Ce n’est pas un problème qui date d’hier et l’ajustement de la réglementation sur les productions canadiennes obligatoires pour les chaînes n’avantage pas spécifiquement la culture francophone, au contraire.
Ce n’est pas Netflix ça. C’est notre gouvernement, notre milieu, notre CRTC.
Aussi, Gérald Fillion notait avec raison l’iniquité fiscale entre Netflix et un TOU.tv, par exemple, mais qu’en est-il du système de redevance des câblodistributeurs qui s’accroche à un vieux modèle de distribution de contenus où la télé est au centre de tout?
Je n’ai pas la prétention de maîtriser ces dossiers complexes et nuancés, c’est pourquoi je me retiens de systématiquement descendre l’argumentaire de Joly. Ceci dit, mes observations quotidiennes sur le milieu de la télévision et de nos médias me poussent à croire que Netflix, dans sa forme actuelle, est un agent de changement qui fait trembler l’establishement de notre milieu et c’est surtout ça qui dérange.
Les taxes, c’est l’écran de fumée.
Netflix, avec son réseau de distribution qui ne repose pas sur la télévision et la vente de publicités traditionnelles, propose un modèle alternatif viable un peu comme la musique en ligne qui est venue désarçonner l’industrie du disque. Oui, ce n’est pas une proposition qui renfloue nos coffres et notre culture, mais elle crée un précédent et c’est un peu ça qui provoque une certaine forme de panique.
Oui, Netflix devrait lutter à armes égales avec les équivalents locaux, c’est indéniable. Mais est-ce que les équivalents locaux luttent à armes égales avec la compétition télévisuelle qui place des bâtons dans les roues à la distribution de contenus sur le web, par exemple?
Cette question-là mérite d’être posée pas mal plus que celle de la responsabilité fiscale d’un géant américain à nos portes qui ne menacent pas réellement notre culture, mais plutôt la profitabilité des puissances et des entités qui bénéficient de notre culture.
On tourne notre attention vers les créateurs qui perdront des opportunités et des revenus, mais vraiment, dans la construction actuelle du système, pensez-vous vraiment que c’est les créateurs qui ont le gros des revenus et des opportunités?
Poser la question c’est y répondre.
C’est surtout ça que j’ai envie de faire avec ce billet, ouvrir le débat vers d’autres questions. Netflix, dans sa forme actuelle, a fait exploser l’offre de contenu personnalisé. Forcément, si l’entreprise veut séduire une nouveau marché, elle devra parler la langue dudit marché. Mais ça ne sera pas à Netflix de faire le travail d’éducation pour qu’on consomme notre propre culture. Après tout, iTunes offre des disques francos sur sa plateforme, mais est-ce qu’ils trônent au sommet des ventes pour autant?
Je trouve ça un peu hypocrite de jeter la faute sur Netflix quand, au fond, on n’encourage pas vraiment notre culture quand c’est le temps de le faire, c’est à dire en déboursant pour la consommer.
Et si le problème c’était notre manque d’affection pour notre culture et non l’offre envahissante de Netflix? C’est un pensez-y bien.