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Main basse sur la ville: À l’ombre des condominiums de Montréal

Photo: Alex Margineanu/Les Films de l’œil

À qui appartient vraiment Montréal, ses rues, ses gratte-ciel et ses immeubles résidentiels? C’est en voulant répondre à cette question que le cinéaste Martin Frigon s’est lancé sur la piste des grands propriétaires montréalais pour son film Main basse sur la ville.

Ce moyen métrage documentaire prend comme point de départ le livre Les vrais propriétaires de Montréal, publié en 1977 par le journaliste d’investigation Henry Aubin. À l’époque, ce reporter de The Gazette avait exposé la mainmise des grands capitaux européens sur le marché immobilier de la métropole.

Quarante ans plus, les choses ont changé… mais pas tant que ça.

«En lisant le livre, je voyais bien que toutes les problématiques abordées – étalement urbain, destruction des milieux naturels et agricoles, spéculation foncière – sont extrêmement actuels», relate le réalisateur, qui avait commencé à s’intéresser à ce sujet dans son dernier film, La grande invasion, qui documentait les effets du surdéveloppement sur les communautés des Laurentides.

Si les acteurs locaux (la Caisse de dépôt, mais aussi les grands joueurs privés comme Broccolini, Cadillac Fairview et Saputo) ont repris le pas devant les investisseurs étrangers, le développement immobilier a toujours le pouvoir de façonner Montréal, et nos vies par le fait même.

Main basse sur la ville met notamment en lumière les dangers d’un développement entièrement abandonné au privé. En ville, la multiplication des tours à condos laisse en plan les locataires et les familles, qui n’ont souvent d’autres choix que de se tourner vers les couronnes, en plus de malmener le tissu urbain et architectural.

«Ça ne devrait pas être les promoteurs qui décident de la façon dont se développe une ville. Il faut redonner ce pouvoir aux citoyens.» –Martin Frigon, réalisateur de Main basse sur la ville

En banlieue, cela se traduit par la disparition de terres agricoles et de milieux naturels au profit d’une infrastructure centrée sur l’automobile. «Façonner la ville, ce n’est pas seulement façonner le territoire, mais aussi le mode de vie, plaide Martin Frigon, en donnant l’exemple de ces villes de banlieue où il est parfois impossible de vivre sans voiture.

«L’aménagement urbain est l’un des grands responsables du gaspillage de ressources dans le monde. On le saisit mal, mais c’est un grand générateur de gaz à effet de serre, en raison du “tout-à-l’automobile”, de l’étalement urbain et de la perte de milieu naturel.»

Le documentaire expose notamment la situation de Laval, où 50% du territoire agricole restant n’appartient pas à des agriculteurs, mais à des «promoteurs, des spéculateurs ou des compagnies à numéro».

«Le financement des municipalités passe nécessairement par l’impôt foncier, expose Martin Frigon. Les villes n’ont souvent pas le choix d’accepter plus de centres commerciaux ou de projets immobiliers haut de gamme parce qu’elles ont besoin des recettes foncières pour assumer leurs dépenses. C’est une sorte de prison fiscale.»

Les raisons de s’attaquer au problème sont pourtant urgentes. «L’avenir est urbain, tranche le cinéaste. Depuis 2008, et pour la première fois de l’histoire, plus de la moitié de la population mondiale habite dans des villes. Si on ne place pas la question urbaine au centre de nos préoccupations, on va avoir un méchant problème.»

Discussion

Main basse sur la ville prend l’affiche vendredi au Cinéma du Parc. Chaque projection sera suivie d’une table ronde sur certains des enjeux soulevés dans le film.

Le 2 avril, l’urbaniste Gérard Beaudet et Christian Savard, de l’organisme Vivre en ville, aborderont les répercussions de l’absence d’une politique d’aménagement du territoire au Québec.

Le 5 avril, les journalistes Henry Aubin, André Cédilot et Hugo Joncas discuteront des «forces de l’ombre» qui gravitent autour du milieu de la construction.

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