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L’écorché lumineux

Photo: Josie Desmarais

Bien connu des téléphages, le comédien Hubert Proulx lance un premier album éponyme qui ne fera rien pour lui faire perdre son image de bum.

Un peu hésitant, le journaliste clique sur l’icône Play en se disant : «Encore un comédien qui veut faire de la musique.»

Mais dès les premières lignes de Stuck in Full Bloom, la pièce bluesy qui ouvre l’album, on comprend qu’on a affaire à un gars qui a des choses à dire.

«À grands coups de pelle dans les radios poubelles […] pauvre victime à qui c’est jamais la faute… pis moi, je m’entoure de la gauche caviar, pis de hipsters […] notre culture de pâté chinois-spagath’ […] vous avez volé le land des Amérindiens […].»

Les idées sont parfois confuses, le piétage pas toujours précis, les rimes bilingues hésitent parfois, mais ça passe et fichtrement bien à part ça.

Le dude, qui s’est surtout démarqué à l’écran, au théâtre et en danse contemporaine par sa forte présence, parvient à habiter son espace musical fait de blues, de folk, de ska et autre influence punk.

«Ça fait quand même un certain temps que je travaille là-dessus», explique celui qui joue aussi dans la formation gipsy-punk Roma Carnivale en parlant de ce projet qu’il a autofinancé avec ses économies et l’aide de quelques amis, dont Brigitte Dajczer, alias Briga, et Jera Cravo à la réalisation qui, soit dit en passant, sonne live.

«J’aurai 40 ans en septembre. J’ai fait plein d’essais et d’erreurs dans ma vie et je sais exactement ce que je n’aime pas. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui est incarné, quand il y a du soul […]. J’aime parler des gens qui sont sur la dope, dans la rue, je suis engagé envers le peuple. Mon lien, c’est l’humanité profonde», poursuit celui qui tient le rôle du frère du personnage joué par Ève Landry dans Unité 9 et qui assure n’avoir fait aucun compromis dans le processus créatif de cet album.

Condition sine qua non, dit-il, notamment pour se libérer de son travail d’acteur, dans le cadre duquel, et c’est normal, il doit se mettre au service d’une vision qui n’est pas nécessairement la sienne, mais celle d’un réalisateur ou d’un auteur.

Fan de Mano Solo (ce qui en dit long sur son bon jugement) comme de Nirvana, de Slayer autant que de Black Sabbath, Desjardins, Lhasa de Sela et autres Colocs, Proulx raconte des histoires d’errance, d’amours compliquées marquées par l’éthylisme et les drogues dures.

C’est qu’il a vu la chose de près, lui qui, dans la vingtaine, allait souvent porter secours à son frère junkie.

C’est d’ailleurs en recueillant les propos de son frangin, qui a subi un ACV à 32 ans qui l’a laissé handicapé mentalement et physiquement, qu’Hubert a écrit la très belle Vidange. Une pièce qui ne déplairait pas à un Richard Desjardins.

Après que son frère a survécu à son accident, alors que les médecins ne croyaient pas en sa guérison, l’artiste lui a demandé comment il se sentait : «Comme une gomme fraîchement crachée collée en dessous de ton soulier que tu nettoies avec du gaz à lighter», lui a répondu le frangin, même s’il avait régressé mentalement.

Voilà l’une des fulgurances qu’on retrouve sur cet album. Et puis, il y a aussi la touchante Le fantôme de Tchernobyl. Un morceau hyper sombre que lui a inspiré son personnage alors qu’il tournait le film d’auteur Déserts.

Mais n’allez pas croire que le tout est dark : les influences punk et rock sont aussi manifestes et viennent contrebalancer cette gravité. Bref, on sortira de sa tanière pour aller le voir sur scène au lancement de cet album qui «fesse dans l’dash», mercredi à L’Escogriffe.

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