Francos: symphonie pour le grand Jacques
Après plus d’une quarantaine de spectacles en version minimaliste, suivis de trois récitals symphoniques à guichets fermés et d’un disque, le succès de l’hommage collectif à Jacques Brel est tel que les Francos de Montréal remettent ça cette année avec la complicité de l’OSM.
«Lorsqu’on a créé ce show en 2012, à l’occasion de Montréal en lumières où la thématique était la Belgique, nous pensions le présenter un soir seulement, mais la demande a été telle que nous sommes même partis en tournée (…). Nous avons cru que c’était terminé jusqu’à ce que, l’an dernier, l’Orchestre symphonique nous propose de le remonter. Nous sommes donc passés d’un unique pianiste à un orchestre complet et à des arrangements majestueux signés Simon Leclerc», explique Luc De Larochellière, qui a été approché, en 2012, pour concevoir la mise en scène de la première mouture du spectacle et, bien sûr, y reprendre des classiques du Belge: Un enfant et Mathilde.
«Un enfant est très liée à ma mère, une chanteuse d’opéra qui me chantait cette pièce lorsque j’étais petit. Je ne le savais pas, mais j’ai appris que Brel l’avait écrite pour une femme: Petula Clark», précise l’artiste qui a eu la chance de consulter les riches archives de Danielle Oddera, la sœur de Clairette qui, dans les années 1960, tenait à Montréal la célèbre boîte du même nom, où Brel s’est souvent produit lorsqu’il venait chez nous.
«Ma chanson préférée de Brel? Voir un ami pleurer, que j’ai découverte assez tardivement en regardant le film Un zoo la nuit de Jean-Claude Lauzon. Orly aussi, c’est une chanson qui est un film en soi. On l’imagine très bien dans notre tête.» – Luc De Larochellière, chanteur et metteur en scène du spectacle Brel symphonique
Un lieu mythique qui a permis de découvrir plusieurs artistes, dont Claude Dubois, mais aussi Charles Aznavour, notamment.
«Lorsque Danielle s’est jointe à nous, c’est un peu comme si nous avions fait entrer un trésor dans la gang. Je me souviens qu’elle avait des scrapbooks remplis de lettres et de cartes postales. C’était très touchant. Les soirées se terminaient très tard dans la maison même de Clairette. Danielle m’a raconté qu’une fois, le grand Raymond Devos avait été directement chez sa sœur en débarquant de l’avion tandis qu’il neigeait et que Brel, qui était déjà arrivé, s’était amusé à glisser sur la Côte-des-Neiges assis sur la valise de Devos en guise de traîne sauvage. Elle nous faisait partager plein d’images cinématographiques de ce genre», résume l’auteur de Amère America.
S’il y avait des extraits vidéo d’entrevues et de chansons qui célébraient le Montréal de Brel dans la première mouture, cet aspect a été gommé pour céder la place à deux pièces: Les cœurs tendres, interprétée par les femmes, et Les bourgeois, chantée par les hommes (auxquels se joignent les interprètes féminines à la fin).
Parlant de femmes, que penser de la misogynie qu’on a souvent attribuée à Brel?
«Je crois qu’il était dur avec tout le monde, dont lui-même au premier chef. Lorsqu’il chantait Ne me quitte pas, il se foutait de sa propre gueule […]. Il n’était pas misogyne si je me fie à la grande amitié qui le liait à Clairette. Et s’il avait des réserves sur l’amour, sa valeur suprême demeurait l’amitié. En effet, l’amitié, c’est un peu un amour inconditionnel qui n’est pas détourné par l’émotion, le désir sexuel ou le sentiment de possession», conclut l’auteur du magnifique album Un toi dans ma tête.
Brel symphonique : vendredi et samedi à la Maison symphonique. Avec l’OSM, dirigé par Simon Leclerc, ainsi que Bïa, Luc De Larochellière, Pierre Flynn, Marc Hervieux, Andrea Lindsay, Catherine Major, Danielle Oddera, Paul Piché, Bruno Pelletier et Diane Tell.