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La LNI fait son cinéma

Photo: Josie Desmarais/Métro

L’impro, c’est fait pour jouer. Et le jeu ne connaît pas de frontière. Après trois saisons de performances inspirées des classiques du théâtre, la Ligue nationale d’improvisation (LNI) fait son cinéma en transposant sur scène les univers riches et variés de 10 cinéastes.

Pedro Almodóvar est reconnu pour ses films aux décors colorés et aux personnages flamboyants. Alfred Hitchcock (a-t-il besoin de présentations?) est le maître du suspense. Xavier Dolan, lui, filme souvent ses personnages, au caractère fort et à la langue bien pendue, en plans très rapprochés.

Les codes et l’esthétisme de l’œuvre de ces cinéastes et ceux de sept autres seront recréés sur scène cet automne dans le cadre de la série La LNI s’attaque au cinéma. Comment s’arrêter à seulement 10 metteurs en scène, parmi lesquels on trouve aussi Stanley Kubrick, Agnès Jaoui et les frères Coen?

L’équipe de dramaturges tenait à offrir de la diversité. «On voulait des réalisateurs québécois et étrangers – et pas seulement des Américains –, ainsi que des hommes et des femmes», explique le cinéaste et coach à la LNI Christian Laurence, qui, avec son comparse Jean-Philippe Durand, a été appelé à travailler sur ce projet afin de partager son expertise du septième art.

«On est évidemment arrivé avec un portrait incomplet. On aurait pu ajouter plein de noms, je pense à Steven Spielberg ou Agnès Varda, mais il fallait se limiter», poursuit-il. L’essentiel était de sélectionner des créateurs dont les univers sont reconnaissables, qui ont une couleur distincte. Une tâche plus difficile qu’il n’y paraît.

«On s’est rendu compte que certains réalisateurs ont des signatures plus claires que d’autres, explique Christian Laurence. Le style de Quentin Tarantino est d’une grande évidence, à la limite celui de Xavier Dolan aussi. Mais celui de Léa Pool, par exemple, est un peu plus difficile à cerner.»

«Mais même si chacun de ses films est différent, des éléments traversent son œuvre : la nature des personnages, les thématiques abordées… Dans ce cas, les acteurs vont s’attarder davantage sur le fond que sur la forme», renchérit le directeur artistique de la LNI, François-Étienne Paré.

Pas question pour les comédiens de reprendre des personnages cultes ou des scènes mythiques de certains films, préviennent les deux collègues.

Par exemple, on ne verra pas la fameuse scène de danse entre John Travolta et Uma Thurman dans Pulp Fiction. «Mais on pourrait faire un concours d’autre chose, qui serait un clin d’œil à cette scène», souligne François-Étienne Paré, précisant que l’idée est de «créer quelque chose de neuf à partir de l’univers des cinéastes.»

«On peut monter Shakespeare ou Molière de 100 000 façons différentes, mais il n’y a qu’un seul Quentin Tarantino, qu’un seul André Melançon et qu’un seul Denys Arcand.» -Christian Laurence, réalisateur

De toute façon, les improvisateurs sont à leur meilleur lorsqu’ils inventent, assure-t-il. «S’ils sont en création pure, ils sont meilleurs que s’ils sont en train de copier ou de reproduire quelque chose.»

Particularité propre au septième art, les dramaturges doivent puiser leur inspiration dans des propositions scéniques et artistiques. «Ces œuvres sont déjà des mises en scène; ces mises en scène sont des œuvres», illustre François-Étienne Paré.

Pour que la magie du cinéma opère, une caméra filmera en direct les improvisations, qui seront diffusées en direct, pendant la performance. «C’est comme si on regardait à la fois un film et son making of», résume Christian Laurence, qui en assurera le volet réalisation. Sur scène à chaque représentation, il improvisera lui aussi, mais derrière la caméra.

Cette mise en scène inédite comporte son lot de défis pour la quinzaine d’interprètes, dont font notamment partie Pierre-Luc Funk, Salomé Corbo et Réal Bossé. Question d’«apprivoiser la bête avant d’entrer en scène», ceux-ci ont participé à des répétitions. «Au théâtre, on travaille avec presque rien. Passer d’une scène à l’autre, c’est facile : un comédien sort de scène, un autre entre, et on est déjà ailleurs. Au cinéma, avec la caméra, c’est complètement autre chose», explique François-Étienne Paré.

Mission éducative
Pas besoin de connaître sur le bout des doigts l’œuvre de Denys Arcand ou d’Alfred Hitchcock pour apprécier les performances, puisqu’au début de chaque représentation, le corpus et le style de chaque cinéaste seront mis en contexte.

«Il y a une partie pédagogique au spectacle, presque de l’ordre de la conférence, mais présentée de façon très ludique», résume Christian Laurence.

«Non seulement on explique chaque élément clé de l’œuvre, mais on l’expérimente avec nos improvisateurs», poursuit François-Étienne Paré.

Au-delà du divertissement que suppose la recréation d’un univers sur scène, les dramaturges aspirent à nourrir la culture cinématographique des spectateurs. «S’ils sortent de là avec l’envie de découvrir ou de redécouvrir l’œuvre d’un cinéaste, ce sera mission accomplie», reprend le réalisateur.

La série d’improvisations sur les classiques du théâtre avait d’ailleurs produit cet effet, et ce, même chez les acteurs «qui ont pourtant étudié en théâtre», souligne François-Étienne Paré.

«Ils sont sortis de là en se disant : Tabarouette, je pensais connaître Shakespeare, mais finalement j’en ai appris. Même chose pour Michel Tremblay; on pense tous connaître son œuvre, mais quand on l’analyse comme il faut, on se rend compte qu’on a peut-être une mauvaise perception de certains éléments.»

Dans leur document de promotion, les concepteurs posent la question : «Le cinéma peut-il s’improviser au théâtre?» On imagine une réponse par l’affirmative. Or, lorsqu’on leur demande, ils rétorquent plutôt : «On verra!»

«On n’a pas l’ambition de faire un film, précise Christian Laurence. Je ne pense pas qu’à la fin, on pourra prendre ce qu’on a tourné en un soir avec trois comédiens et considérer ça comme une expérience cinématographique valable.»

La LNI s’attaque au cinéma du 31 octobre au 10 novembre, au Théâtre Espace Libre.

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