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L’émerveillement contagieux et fascinant de Marcel Sabourin

Photo: Jérôme Sabourin

Avertissement : l’article qui suit contient beaucoup de «!!!». Voyez-vous, c’est que Marcel Sabourin, vétéran comédien et depuis peu auteur – même s’il n’assume pas ce statut –, s’exprime, ou plutôt s’exclame, avec une joie de vivre et un émerveillement contagieux.

Il nous avait avertie quelques heures avant notre rendez-vous téléphonique : «Prévoyez-vous au moins une heure, parce que je pars dans toutes les directions. Et vous êtes mieux d’enregistrer, je suis farfelu!»

À 83 ans, Marcel Sabourin est en pleine forme. Au moment où on le joint, il est rivé devant CNN, captivé par l’affaire Flynn. «Un juge a remis à sa place un des hommes les plus influents des États-Unis!!! Hahahaha!» lance-t-il dans un immense éclat de rire.

Lui qui ne s’intéressait pas trop à la politique américaine est vite devenu fasciné par le spectacle quotidien de l’administration Trump. «Quand il s’est présenté à la présidence, j’ai dit à ma femme : “Lui, il va faire des affaires absolument étonnantes!»

On pense que tout a été dit sur Donald Trump, jusqu’à ce que Marcel Sabourin le décrive bien à sa manière : «C’est un clown qui n’a peur de rien et qui va mettre les pieds dans un nid de fourmis, et un moment donné, il va se faire manger par les termitières, ce que j’espère!»

Très intéressant tout ça, mais l’heure avance et on aimerait parler du deuxième recueil de pensées de Marcel Sabourin, publié à l’automne, Encore et toujours… rien pantoute.

Après avoir pouffé de rire en parlant de l’actualité chez nos voisins du sud pendant une quinzaine de minutes – «Ça n’a pas de bon sens, c’est une joke, une JOKE!!! Hahahaha!» – , il demande d’un ton jovial : «Bon, quessé que vous voulez savoir?»

Eh bien, beaucoup de choses, mais surtout, d’où sortent ces réflexions humoristiques sur l’existence rassemblées dans près de 100 pages?

Il en donne déjà un indice à la page 39 : «Tous les matins / Pendant plus d’une heure / Je fixe le plafond.»

C’est son rituel depuis près de 20 ans, explique-t-il. Dès qu’il se réveille, il saisit «d’une main maladroite» son vieil enregistreur à cassette et dit tout ce qui lui passe par la tête.

«Des fois, c’est ce que je viens de rêver, des fois c’est accroché à ce qui s’est passé la veille… Ce n’est jamais politique, contrairement à ce dont je viens de vous parler!» lance-t-il dans un autre mémorable éclat de rire.

«C’est comme de petits éclairs, de petites affaires qui se dictent d’elles-mêmes, qui, à cause de mon grand âge, ont couvé, mijoté, et puis ça sort.»

Sa vaillante secrétaire a transcrit patiemment ses pensées qui ont ensuite atterri dans des boîtes. Jusqu’à ce qu’un jour, on lui propose d’en réciter quelques-unes à la radio. «C’est pas enregistrable, j’ai dit, mais on a insisté.»

Puis, la maison d’édition Planète Rebelle lui a proposé de transposer ces paroles à l’écrit. «Voyons, c’est pas éditable, ça!!!» répond-il.

Si Marcel Sabourin s’est longuement fait tordre le bras avant de finalement accepter de publier, c’est qu’il ne se considère pas comme un auteur.

Avec sa verve légendaire, il est «capable de prendre n’importe quel texte et de l’animer», dit-il, mais c’est une autre paire de manches de transposer le tout à l’écrit. «De lire ça dans un recueil de textes, WÔ!!!»

Marcel Sabourin souffrirait-il du syndrome de l’imposteur? «Tiens, j’y avais jamais pensé! Ouais, un peu.»

«Auteur, c’est très, très haut dans mon estime, explique celui qui a vécu entouré de grands poètes dont Gaston Miron et Roland Giguère. Moi, je n’étais qu’un acteur! Si Gaston vivait! Je l’aurais appelé avant de publier, comme j’ai fait avec Gilles [Vigneault], et on aurait bien ri! Peut-être qu’il m’aurait dissuadé : “Voyons donc Marcel, t’es pas pour commencer à publier!”, qu’il m’aurait dit. Hahaha!!!»

N’empêche, il a fini par publier l’an dernier Petits carnets du rien-pantoute. Et il a récidivé cette année.

Est-ce qu’un troisième livre est dans les plans? Celui qui détient le record du plus grand nombre de rôles dans des films québécois – 107 pour être précis – n’en sait rien, mais il poursuit ses enregistrements quotidiens, essentiels à sa «bonne santé mentale».

«Tant que je continuerai de rêver, que je serai conscient en m’éveillant le matin, il y aura tout le temps des choses que j’enregistrerai. Ça me rend joyeux, je suis très rarement déprimé.»

On le constate aux innombrables éclats de rire qui fusent à l’autre bout du fil lorsqu’il partage généreusement des anecdotes de son riche passé.

Néanmoins, Marcel Sabourin a souffert dans sa vie, notamment à cause de l’étouffante religion catholique qui a marqué sa jeunesse. «Ça a tout gaspillé ma vie dès l’âge de 11 ans jusqu’à celui de 22 ou 23 ans», dit-il catégorique.

Ce qu’il trouve le plus difficile, en vieillissant, ce sont «les chums qui meurent», confie-t-il d’un ton soudainement grave. «Il en reste en tout et pour tout une dizaine de tous ceux que j’ai connus. Ça, c’est très dur.»

Tout et rien
Marcel Sabourin enregistre au réveil en fixant le plafond. Dans quel contexte aimerait-il que les lecteurs découvrent ses pensées philosophiques et farfelues? «En attendant l’autobus quand il fait ben frette l’hiver!» lance-t-il spontanément.

À notre grande surprise, il souhaite que les lecteurs déchirent une à une les pages de son recueil pour en emporter une par jour avec eux le matin. «Qu’en attendant l’autobus, quand ils sont en train de geler, ils lisent ça. Qu’ils se disent : “Crisse, y’est cave, ce gars-là!!!” et qu’ils se mettent à rire. Et que ce rire les réchauffe.»

Farfelu, disait-on. Il le sait très bien, se définissant lui-même comme un «flyé», un «capoté».

Marcel Sabourin est émerveillé par tout et par rien, d’où le «rien-pantoute» ou «le toute-panrien», comme il dit, amusé. Qu’est-ce qu’au fait le rien-pantoute? «C’est ce qui fait que la bibitte à patate respire!» s’exclame-t-il.

«Le rien-pantoute, c’est un conte de fées, reprend-il après une longue parenthèse métaphysique. C’est le conte de fées de la vie quotidienne…»

Le rien-pantoute, c’est moins qu’une poussière. «Une poussière, c’est un monde! C’est… Wow! J’aurais pu appeler ça Les petits carnets du wow! Du pow-wow-wow!!!», dit-il en éclatant de rire.

La capacité d’émerveillement de Marcel Sabourin fascine. Il faut dire que «Marcel le bienheureux», comme on le surnomme parfois, a été «pas au premier rang, mais dans un des bons rangs en avant» de la transformation du Québec moderne.

«C’est formidable d’avoir vu la parabole géométrique que ça a fait. C’est comme une fusée, illustre-t-il. C’est long à partir, la mise à feu est très laborieuse, mais une fois partie, pfiouuuu!!!»

Le temps file, mais on écouterait aisément Marcel Sabourin méditer à voix haute pendant des heures et des heures. «Disons que j’ai une grande yeule!» dit-il en s’excusant d’avoir parlé si longuement. «Ça n’a pas de bon sens de vous envoyer tout ça dans l’oreille, c’est épouvantable!!! Hahaha!»

Non, c’est formidable.

 

Encore et toujours… rien pantoute
Aux éditions Planète Rebelle

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