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Home Dépôt: Prête-moi ta plume

Marie-Ève Fortier et Alexandre Vallerand, pour la pièce HOME DÉPÔT : un musée du périssable. Photo: Josie Desmarais

Né de la rencontre entre des résidents de CHSLD et des auteurs dramatiques, Home Dépôt : un musée du périssable propose de donner une voix à ceux qui n’en ont plus. Et de les inclure dans un gros party.

Après être entrée dans la tête d’élèves du secondaire pour Album de finissants, la compagnie Matériaux composites s’est donné cette fois le défi d’engager des personnes malades ou gravement diminuées dans son processus créatif.

Jouant à Cupidon, les cocréatrices Anne Sophie Rouleau et Marie-Ève Fortier ont jumelé des auteurs comme Sarah Berthiaume, ­Jean-Christophe Réhel, Elkahna Talbi (Queen Ka), Steve Gagnon et Marilou Craft aux résidents de deux centres d’hébergement et de soins de longue durée de l’île de Montréal.

Plutôt que de simplement raconter leurs histoires, les artistes ont littéralement prêté leurs plumes aux patients pour créer avec eux.

En effet, même si certains ne peuvent plus parler, ils ont quelque chose à dire. «On voulait provoquer une rencontre qui sort du médical ou du journalistique, explique Marie-Ève Fortier, qui assure également la scénographie. Les auteurs étaient là pour rencontrer la personne, mais pas comme un psychologue ou un travailleur social qui vient te voir parce que tu as un problème qu’il faut régler. On se rencontre pour se rencontrer et on voit ce qui sort de ça. Les artistes étaient probablement les seuls à avoir la sensibilité et la capacité nécessaires pour trouver dans chaque histoire la petite perle dont on peut parler.»

«Le résident de CHSLD est plus qu’un résident. C’est tout d’abord un être humain qui a le droit de s’exprimer», fait valoir Alexandre Vallerand, jeune comédien atteint de paralysie cérébrale, qui dans Home Dépôt fait équipe avec le dramaturge Dany Boudreault.

Celui qu’on a vu notamment dans le téléroman 30 vies a vécu cinq ans dans un ­CHSLD avant de pouvoir voler de ses propres ailes. Aujourd’hui autonome dans son propre logement, il a vécu de l’intérieur la détresse et l’isolement qui affligent certains résidents.

«Je ne pouvais plus rester dans mon CHSLD, parce que je me sentais comme dans une prison de verre. Dans un ­CHSLD, il faut s’isoler, se cacher et accepter les normes. Pour moi, c’est important d’être autonome, de manger quand j’ai faim, d’écrire quand j’ai le goût, d’accueillir mon voisin ou de regarder le film le plus violent du monde entier si j’en ai envie. Je n’aime pas ça qu’on me regarde tout le temps. Je veux une vie, et le CHSLD, ce n’est pas une vie.»

«Un musée, c’est un endroit où on conserve les choses, où on tente de les garder intactes. Le CHSLD, c’est un peu ça aussi. On est périssable, mais juste un peu avant, on s’arrête dans un endroit où on tente de nous conserver le plus possible.» – Marie-Ève Fortier, cocréatrice de Home Dépôt : un musée du périssable

Les points de vue présentés dans Home Dépôt sont multiples, tout comme les réalités de ceux et celles qui les ont façonnés.

«On peut avoir une personne qui ne peut plus parler, une autre qui ne peut plus danser, quelqu’un qui s’ennuie de son coloriage. Ça va dans toutes les directions et c’est ça qui est intéressant», estime Alexandre Vallerand.

«On a travaillé avec des résidents qui ont de l’énergie, qui sont jeunes, qui ont le goût d’avoir une tribune. Devant tant d’énergie, on n’a d’autre choix que de les suivre et de faire tout ce qu’on peut pour les amener sur le stage avec nous», ajoute Marie-Ève Fortier, qui a voulu s’éloigner du ton un peu affecté qu’on prend souvent pour parler des personnes plus vulnérables.

«C’était super important pour nous de trouver une espèce d’honnêteté dans la prise de paroles. Souvent, il y a une distance qui se crée avec eux. On va dire : “Honnnn, la belle personne dans un CHSLD, on va te photographier, c’est beau, c’est fin.” Ou alors, on prend une distance hyper critique, dénonciatrice de leurs conditions. On ne veut pas tomber dans ce pôle-là non plus. On tente d’être toujours en équilibre entre les deux, de trouver une authenticité au milieu de ça.»

Cette vérité se trouve aussi dans l’aspect éclaté du spectacle, qui combine lecture, danse, exposition muséale et musique, avec le fantasque Soucy aux commandes. Les artistes performeurs étant différents chaque soir, chaque représentation offrira un univers unique.

«L’interdisciplinarité nous sert à approcher cet objet-là de tous les angles possibles, affirme Marie-Ève Fortier. En multipliant les angles et les regards, on arrive à en parler de façon plus honnête. On ne veut pas parler d’une personne en particulier, mais d’un groupe, d’une réalité.»

«Il y a des moments très émouvants, mais d’autres où on enfile un costume et où on chante bonne fête; on déconne, on fait le party. On voulait montrer qu’au-delà de l’image qu’on se fait d’eux, les résidents ont les mêmes émotions que nous, les mêmes besoins, les mêmes envies. Ils ont une sexualité et ils ont le goût de faire le party comme nous!»

Home Dépôt : un musée du périssable
Dès vendredi et jusqu’au 9 mars au Théâtre Espace Libre

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