Emilie Kahn: pop intime et assumée
Quelques notes de harpe, une voix mélodieuse et un enrobage électro planant: c’est tout ce que ça prend à Emilie Kahn pour envouter l’auditeur.
On pourrait ajouter à cela un talent certain pour la pop éthérée à la Milk & Bone et des textes à la poésie franche, mais bien sentie pour expliquer que son deuxième album, Outro, reste collé à nos oreilles des mois après sa sortie.
Peut-être aussi parce qu’il aborde avec délicatesse les petites désillusions qui accompagnent le passage à la vie adulte: rupture amoureuse (Island), perte d’un être cher et prise de conscience de sa propre mortalité (Will You?).
«J’ai besoin d’un public attentif. Il faut être présent avec moi et les musiciennes. Parce que c’est très intimiste, mais aussi très dynamique.» Emilie Kahn, chanteuse et harpiste, à propos de l’ambiance qui se crée lors de ses spectacles.
On vous rassure tout de suite, c’est quand même très beau et pas du tout déprimant. Mais tout de même, est-ce que ce bagage peut être lourd à porter, par exemple lors de la tournée des festivals, comme l’a fait la jeune femme cet été?
«Oh… je pense que ça va, nous assure la Montréalaise, rencontrée au début du mois au Festival de musique émergente (FME) de Rouyn-Noranda, dernière étape de sa tournée estivale.
«Quand je suis en spectacle, je n’ai pas toujours l’impression de revivre la situation que je décris dans la chanson. Des fois, si j’ai des moments où je vis quelque chose de difficile qui a rapport avec la chanson, je vais être un peu fébrile…mais ce n’est pas comme si ça me faisait revivre ma rupture qui est arrivée il y a deux-trois ans chaque soir. [rires] Ça fait partie d’être un performer.»
«C’est comme raconter une histoire, un moment que tu as ressenti intensément. Ça fait quand même du bien de raconter sa vie au monde. Sans que ça te blesse nécessairement à chaque fois.»
Car Outro est bel et bien né d’une blessure, celle causée par une rupture douloureuse, mais aussi salvatrice pour l’artiste.
«J’ai réalisé que je posais un regard romantique sur tout ce qui arrivait dans ma vie, mais ce n’est pas toujours sain de faire ça, explique l’auteure-compositrice-interprète. Au cours du processus de création de l’album, je me suis rendu compte que je devais arrêter de tout “romantiser” autour de moi. Je vais toujours écrire comme ça. Mais je dois un peu laisser de côté mon côté obsessif de femme de 20 ans qui ne vivait que pour l’amour. Toute ma vie était centrée autour de ça.»
Bye bye Ogden
La musique d’Emilie Kahn est aussi moins centrée autour d’Ogden (c’est le nom de sa harpe) que lors de la sortie de son premier album solo (10 000) en 2015.
«Quand j’écrivais mon premier disque, j’étais au début de mon apprentissage de la harpe. Je voulais faire quelque chose de différent dans chaque toune et montrer tout ce que j’étais capable de faire. Je ne sens plus ce besoin là et j’ai pu me concentrer sur l’écriture. Je vois maintenant la harpe comme un outil pour m’accompagner», soutient la jeune femme, qui a d’ailleurs abandonné le nom Emilie & Ogden, sous lequel elle avait amorcé sa carrière solo.
Travaillant notamment avec Warren Spicer (Plants & Animals) et Philippe Brault, la harpiste a choisi d’assumer pleinement son côté pop qui sommeillait depuis longtemps.
«J’étais la personne au secondaire qui se trouvait cool parce que j’écoutais des choses underground. C’était mes influences, admet en rigolant Emilie Kahn. Mais j’avais aussi l’instinct d’écrire des choses qui suivaient une structure pop. C’était camouflé dans mes premières chansons parce, dans ma tête, je me voyais comme une chanteuse indie. Je me rends compte que j’ai des instincts pour faire des trucs un peu pop et j’ai essayé de le laisser voir un peu plus dans la musique.»
Comme quoi vieillir et prendre de la maturité permet au moins de mieux se connaître…
Emilie Kahn
Samedi 28 septembre à 21h à La Vitriola dans le cadre de Pop Montréal