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Celle que vous croyez: les femmes invisibles

celle que vous croyez

Une variation des Liaisons dangereuses à l’ère du numérique ressemblerait sans aucun doute à Celle que vous croyez, le nouveau film de Safy Nebbou.

Larguée par son jeune amant, une quinquagénaire monoparentale (Juliette Binoche) se crée un avatar sur les réseaux sociaux, fantasmant une existence à l’aide d’illusions et de la littérature. Mais à l’instar des protagonistes d’Atonement, de Rashômon et de Vertigo, elle aura de plus en plus de difficulté à faire la différence entre le réel et le virtuel.

«Ça n’a pas toujours été simple au scénario de passer continuellement du vrai au faux, concède le cinéaste Safy Nebbou, en parlant de cette adaptation du livre de Camille Laurens. On peut se perdre facilement. Mais je trouvais ça très amusant de faire ce trajet – à travers le regard et la voix de l’héroïne – qui propose une construction en poupées russes ou en tiroirs, une narration hitchcockienne.»

«Je fais ce métier pour les acteurs. C’est ce que je préfère, trouver un endroit de vérité afin de faire émerger une dimension supplémentaire qui nous donne le sentiment qu’ils s’adressent vraiment à nous.» Safy Nebbou, réalisateur de Celle que vous croyez

Sa mise en scène parsemée de miroirs (cette fameuse dualité) et de vitres (cette fausse transparence) tend à isoler l’héroïne, à l’instar de ces relations de plus en plus déconnectées qu’offrent les nouvelles technologies.

«Il y a une solitude moderne, affirme le réalisateur français, qui s’est fait connaître il y a une quinzaine d’années avec Le cou de la girafe. Si les médias sociaux, d’une certaine manière, nous rapprochent, ils nous éloignent terriblement les uns des autres. La dimension de vertige et de manipulation autour de ces mensonges, du double, est immense.»

Le choc est d’autant plus grand chez la gent féminine, qui ne sait pas toujours comment réagir face à cette société du paraître et des apparences, si ce n’est parfois en lorgnant l’éternelle jeunesse.

«J’ai été ému par la situation de cette femme, confie-t-il. Elle se retrouve reléguée en fond de classe. Il y a une expression en France qui parle de «femme invisible». On dit qu’une femme à partir de 50 ans, est une femme qui n’est plus regardée, qui est invisible. C’est très violent.»

Si cela arrive à Juliette Binoche, cela peut donc survenir à n’importe qui. «Il ne  s’agit pas de l’image qu’on renvoie, mais de l’image qu’on a de nous, rappelle le réalisateur. Au fond, elle se sent laide, abandonnée. C’est pour ça qu’elle agit comme ça.»

Après L’empreinte de l’ange et L’autre Dumas, Safy Nebbou renoue avec une immense vedette française, se permettant de la faire découvrir autrement.

«Les acteurs connus ont déjà tout fait, avance-t-il. Je cherche alors à les rapprocher d’eux-mêmes. D’aller les chercher dans un endroit qui est plus intime. Tout d’un coup, on n’est pas dans la construction d’un comédien, où l’on voit Juliette Binoche faire l’actrice, mais dans quelque chose de plus personnel, qui nous touche davantage.»

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