Matthias & Maxime en cinq temps
Après une incursion en France, puis à Hollywood, Xavier Dolan revient au cinéma québécois avec le touchant Matthias & Maxime, qui relate l’amitié de deux jeunes hommes compromise à la suite d’un baiser échangé pour les besoins d’un court métrage. Tour d’horizon de quelques-un des thèmes qui y sont abordés en compagnie de l’équipe.
L’amitié
«C’est l’élément le plus marquant de la fin de ma vingtaine», affirme Xavier Dolan. L’amitié a permis au jeune cinéaste de trouver un équilibre dans sa vie mouvementée. Pour rendre hommage à ces relations si chères, il a mis d’ailleurs en vedette certains de ses amis dans son huitième long métrage.
L’amitié entre Matthias et Maxime remonte à la petite enfance. «Ils se connaissent assez pour parler de tout, leur lien d’amitié est très fort, ils se comprennent», souligne l’interprète de Matthias, Gabriel D’Almeida Freitas. Jusqu’à ce fameux baiser, qui crée un immense froid entre eux. Au-delà de l’attirance physique, des sentiments naissent.
«Le problème est qu’ils se voient potentiellement comme des amoureux, alors qu’ils se connaissent depuis qu’ils ont cinq ans, explique Xavier Dolan, qui joue Maxime. Maintenant ils en ont 30. Où était cet amour pendant tout ce temps? Pourquoi ne s’est-il pas manifesté avant? L’amour se pointe à ta porte sans que tu y sois préparé…»
La masculinité
Après le baiser, Matthias remet toute sa vie en question: son amitié avec Maxime, celle avec le reste du groupe, sa relation avec sa copine, sa carrière d’avocat…
À ses yeux, il est inconcevable d’éprouver des sentiments pour un autre homme. «Il se dit: “J’ai 30 ans, je sais que je suis hétéro, je ne me suis jamais posé ces questions”, note son interprète. On pense qu’on sait ce qu’on est dans la vie. Cette remise en question le trouble, lui fait peur.»
Matthias se voit ainsi déstabilisé dans sa masculinité, lui qui a un parcours de vie correspondant à la «norme» hétérosexuelle. Sans adhérer à la culture de la masculinité toxique pour autant, il refuse d’accepter ce qui lui arrive.
«Les personnages de Mat et Max portent une toxicité en eux sans le réaliser, et elle est complètement incohérente avec leur idéologie d’ouverture et leur façon d’être, souligne Xavier Dolan. Quand même, ils finissent par se dire: “Ben non, pas nous autres!”»
Les contrastes
Les liens entre Matthias et Maxime sont profonds, bien que les deux amis évoluent dans des univers diamétralement opposés. Alors que Matthias poursuit une carrière d’avocat prometteuse et vient d’une famille accueillante et généreuse, Maxime en arrache: il est le tuteur légal de sa mère toxicomane et gagne sa vie comme barman.
«J’aime quand les contraires s’attirent», affirme Xavier Dolan. Ces gens peuvent être étudiants à Cambridge ou chargés de cours à l’UQAM, et ça ne les empêche pas d’être amis avec un barman de Pointe-aux-Trembles ou un gars qui travaille avec ses mains ailleurs.»
Ces contrastes entre les milieux sociaux dans lesquels évoluent les personnages font la richesse de leurs liens, selon lui. «Dans la vie, on se fait des amis au jardin d’enfants, et malgré tout ce qui survient, les amitiés fortes résistent.»
«Mes amis sont ma famille, les membres de ma famille sont mes amis, et je suis en amour avec ces gens. […] Je n’ai pas la vie sentimentale la plus abondante, la plus fonctionnelle. J’ai trouvé un très grand réconfort, un équilibre, une stabilité dans l’amitié et dans la famille.» -Xavier Dolan, cinéaste
La langue
En filigrane, Matthias & Maxime touche aux enjeux linguistiques, notamment par le biais du coloré personnage d’Erika, jeune étudiante au cégep et réalisatrice du court-métrage-qui-va-tout-changer, qui parle un franglais très caricatural et dont les répliques ponctuées de «Oh-my-god-genre!» sont parmi les moments les plus hilarants du film.
«On parle tous assez keb, puis il y a Erika, qu’on nargue à cause de son jargon extrême», résume le comédien Antoine Pilon.
Au-delà de la caricature générationnelle, Xavier Dolan s’est plu à porter à l’écran différents niveaux de français. «J’aime la diversité de la langue dans le film, le fait que plusieurs niveaux s’entrechoquent. Je voulais que ce soit présent, sans que ce soit un enjeu pour les personnages. C’est en sous-couche.»
À ceux qui l’accusent de «massacrer» le français, il rappelle que la langue est en constante évolution et que ce qu’on entend dans le film est représentatif de la réalité québécoise.
La musique
Comme c’est le cas pour les précédentes œuvres de Xavier Dolan, les émotions fortes de Matthias & Maxime sont accentuées par la trame sonore, tant celle composée expressément pour le film par le pianiste Jean-Michel Blais (on pense immédiatement à la scène dans le lac) que par les choix de chansons pop qui accompagnent plusieurs scènes importantes.
Qu’est-ce qui a guidé le choix des chansons? «L’émotion, répond du tac au tac le cinéaste. Et par émotion, ce n’est pas seulement la tristesse. C’est la sexualité, c’est l’excitation…» Pour appuyer son propos, il cite en exemple la chanson Signs of Life d’Arcade Fire, qui rend enlevante la scène où les amis s’adonnent à un jeu lors d’une fête.
À d’autres moments, «la scène appelle sa propre musique, ajoute Xavier Dolan. Parfois, j’entends une chanson et, tout à coup, j’ai envie d’écrire une scène, et la scène vient à moi.»