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«L.A. Tea Time»: la poésie de la précarité

L.A. Tea Time
Photo: Courtoisie/La Distributrice de films

Faire beaucoup avec peu, c’est la marque de commerce de Sophie Bédard Marcotte, qui se surpasse avec son plus récent film, L.A. Tea Time.

On a découvert Sophie Bédard Marcotte avec Claire l’hiver, un délicieux autoportrait impressionniste d’une rare liberté, qui évoquait à la fois le cinéma de Chris Marker et celui de Stéphane Lafleur. Une signature unique et personnelle pour un essai ludique et profond, et une approche qui se permet cette fois de quitter la grisaille montréalaise pour voir du pays.

«Il y avait l’idée de se défaire de notre réalité un peu terne de cinéaste indépendante et de nos limitations financières, raconte la réalisatrice, rencontrée à la Cinémathèque québécoise. De transcender ses moyens ridicules pour faire en sorte que ça puisse donner quelque chose de beau, de jouer avec la poésie de la précarité.»

La voilà qui s’embarque dans un périple jusqu’à Hollywood, la ville qui fait tant fantasmer les amateurs du septième art, afin de prendre le thé avec une de ses idoles: Miranda July (Me and You and Everyone We Know), modèle par excellence de l’artiste intransigeante qui est demeurée fidèle à sa voix intérieure.

Un voyage magique comme celui du magicien d’Oz, au cours duquel les rencontres sont marquées par d’hilarants moments de méditation, de réflexion parfois méta sur le cinéma, et même du fantôme de la regrettée cinéaste française Chantal Akerman (Jeanne Dielman), ce guide qui lui rappelle pourquoi elle exerce ce métier.

«Je voulais jouer avec le genre du road movie, tenter des choses sur le plan formel, explique la metteuse en scène et scénariste. On se libérait des idées préconçues et ça devenait plus des vignettes qu’un documentaire traditionnel… Ce qui m’intéressait, c’était de me confronter à des nouveaux paysages. Et c’était un défi au montage, d’essayer de ne jamais tomber dans les clichés américains.»

«Rencontrer un cinéaste à Montréal, ça aurait fait un petit court métrage sur Saint-Laurent.» Sophie Bédard Marcotte, qui est partie en Californie à la rencontre de ses créatrices préférées

Le magnifique premier plan du long métrage résume parfaitement cet état d’esprit. Deux individus semblent écrasés par le poids du monde et l’immensité du territoire.

C’est l’infiniment petit qui est confronté à l’infiniment grand, le cinéma québécois qui tente de se dresser devant les productions hollywoodiennes, la planète qui ne sait trop comment réagir devant l’incertitude mondiale.

«Le film me permettait de réfléchir à la recherche de la vérité dans le documentaire et à notre anxiété par rapport à la réussite, en particulier en Occident qui est obsédé par ce concept, développe Sophie Bédard Marcotte. C’est aussi devenu une réflexion sur la façon dont on continue à avoir nos petites quêtes individuelles qui sont un peu inutiles dans un monde qui s’écroule.»

Un véritable paradoxe, à l’image de ce savoureux ovni plein de vie et d’inventivité qui lance la nouvelle décennie cinématographique québécoise de la meilleure manière possible.

 

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