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«Ma Rainey», le rôle-testament de Chadwick Boseman

«Le Blues de Ma Rainey» sera disponible le 18 décembre sur Netflix. Photo: Collaboration spéciale Netflix

Mort cet été, Chadwick Boseman interprète dans Le Blues de Ma Rainey un artiste qui refuse de se résigner face au racisme. Un rôle testament pour la star de Black Panther, premier super-héros afro-américain à crever l’écran.

Le film, signé George C. Wolfe, qui sera en ligne le 18 décembre, est une adaptation d’une pièce du dramaturge américain August Wilson.

Séduits par la performance de Chadwick Boseman dans ce drame sur fond de crispation raciale en Amérique aux premiers temps du blues, les médias américains spécialisés estiment qu’elle pourrait lui valoir un Oscar. Ce serait à titre posthume : l’acteur, terrassé par un cancer du côlon, est mort fin août, peu après le tournage.

Le décès du premier super-héros noir à qui un blockbuster de Marvel, Black Panther, était entièrement consacré, avait suscité une avalanche de réactions, à Hollywood et au-delà.

Joe Biden, alors candidat à la Maison Blanche, à Martin Luther King III, fils du célèbre militant pour les droits civiques, s’étaient émus et avaient salué le parcours de ce fils d’infirmière et d’un petit entrepreneur, né en Caroline du Sud, avec des origines du Sierra Leone.

Son personnage disparaît avec lui : Disney a annoncé que l’interprète du roi T’Challa ne serait pas remplacé dans la suite de la franchise, attendue pour 2022. Et par certains égards, Ma Rainey fait figure de dernière pierre au combat d’un acteur qui a fait changer la représentation des Noirs au cinéma.

«C’était un artiste»

Chadwick Boseman y joue Levee, un jeune trompettiste noir et idéaliste, qui souhaite percer dans un Chicago des années 1920, où la production musicale est aux mains des Blancs.

Costume impeccable, chaussures jaunes flambant neuves, il veut s’affirmer comme artiste, mais gagne son pain en accompagnant «Ma Rainey», l’une des premières grandes chanteuses de blues de l’entre-deux guerres aux États-Unis, avec Bessie Smith.

Cette «mère du blues» est incarnée par Viola Davis, oscarisée en 2017 pour un second rôle dans «Fences» de Denzel Washington, déjà une adaptation de Wilson.

Dans le film, personne n’est dupe : les égards réservés à la diva, accueillie en majesté avec ses robes fleuries et ses dents en or, ne tiennent que parce que ses chansons peuvent rapporter gros. «Si tu es noir et que tu peux rapporter de l’argent, alors tout va bien avec eux. Mais sinon, tu es un moins que rien», constate-t-elle.

Au sous-sol, dans une cave miteuse servant de salon de répétition, s’active le groupe qui doit l’accompagner.

Du pianiste Toledo (Glynn Turman) au trompettiste Levee (Chadwick Boseman, donc), ces Noirs de toutes générations «portent chacun leurs traumatismes mais la musique les lie. Ils se comprennent culturellement, se respectent», a souligné en conférence de presse l’acteur Michael Potts, qui incarne le bassiste.

Chadwick Boseman, tour à tour charmeur, espiègle ou révolté, interpelle ses aînés, avec en point culminant un monologue, où il révèle sa fracture intime, héritée de son enfance et due à la violence que subit la minorité noire de la part des Blancs.

Dans une scène éruptive, sa frustration explose et il dénonce avec fougue les illusions de la religion («Dieu prend les prières des nègres et les jette aux ordures. Dieu hait les nègres !»). L’action, frôlant parfois le théâtre filmé, est entrecoupée de brèves respirations musicales, sur une B.O. signée du saxophoniste Branford Marsalis.

Lors de la présentation du film, acteurs et réalisateur ont loué la performance de Chadwick Boseman, qui lors du tournage luttait depuis quatre ans contre le cancer. «Les gens pensent parler d’art, mais ils parlent de business. Lui, c’était un artiste», a relevé Viola Davis. «Et vous pouvez faire carrière pendant 50 ou 60 ans sans en croiser un comme ça».

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