Avec le sport sous cloche, les séries-documentaires sportives sont plébiscitées
The Last Dance, Sunderland ’Til I Die, F1: Drive to survive… Dans une année marquée par l’arrêt des compétitions sportives, les séries et documentaires se sont imposés comme des contenus sportifs incontournables, sous l’impulsion des plateformes en ligne.
Ils nous font rêver, nous inspirent, nous font vibrer. Les sportifs professionnels, qui d’ordinaire nous donnent des rendez-vous réguliers, ont disparu des stades et des écrans pendant plusieurs semaines, à cause de l’arrêt des compétitions internationales.
Une aubaine pour les plateformes en ligne, qui ont développé depuis plusieurs années des séries et documentaires sportifs, parfaits pour palier le manque de sport à la télévision.
ESPN et Netflix, producteurs de la série documentaire sportive The Last Dance retraçant la carrière de Michael Jordan aux Chicago Bulls, et prévue pour la période des playoffs NBA, ont senti le coup, et avancé sa sortie au 19 avril. En manque de compétition, les fans de sport, dont une grande partie est en confinement, sont ravis. Ils vont pouvoir revivre les exploits du plus grand basketteur de l’histoire.
La suite ? Un carton aux États-Unis sur ESPN, avec 6 millions de téléspectateurs par épisode en moyenne, et un carton planétaire sur Netflix, avec près de 24 millions de visionnages dans les quatre premières semaines de diffusion, ce qui en fait la série la plus regardée de l’histoire du sport.
Inspiré des séries
Mais Netflix n’en était pas à son coup d’essai. La plateforme fait figure de référence dans la narration du sport en se plaçant dès son lancement à l’international sur la production de contenus narratifs autour du monde du sport: les séries Last Chance U, sortie en 2016 sur le quotidien de plusieurs équipes universitaires de football américain, Formula 1: Drive to Survive, qui offre une impressionnante plongée dans les coulisses des courses de Formule 1, ou encore Sunderland ’Til I Die, immersion dans la descente aux enfers d’un club de foot de l’Angleterre ouvrière.
La saison 2 de la série Sunderland ’Til I Die, sortie le 1er avril 2020, en plein confinement, a été plébiscitée par les fans de foot et par un public plus large, grâce à son storytelling puissant, inspiré des séries dramatiques.
Si la série a si bien marché, «c’est parce que c’est une histoire humaine», selon Ben Turner, co-réalisateur. «On regarde ces joueurs à travers leur carrière, on vit leurs triomphes, leurs échecs, leur humanité. C’est une façon de parler de quelque chose de bien plus grand que le football».
«Quand nous avons lancé le projet, Trump était en train d’être élu aux États-Unis. Avec Netflix, nous avons comparé la situation avec celle de Sunderland, avec le chômage, le découragement de la population, cet aspect social. Nous sommes heureux que les gens se soient attachés à leurs histoires», se rappelle-t-il.
Ce succès des contenus narratifs de sport s’inscrit dans un contexte de désintérêt croissant envers le sport en direct, remplacé peu à peu par du « non-live content » (contenu qui n’est pas du direct) et du «near-live content» (contenu diffusé quasiment en immédiateté, comme par exemple des morceaux de matchs ou des actions marquantes publiés sur les réseaux sociaux).
«Produit d’appel»
«Avant le Covid, on avait déjà une baisse entre 15 et 20% en moyenne des audiences du sport en direct », note Arnaud Simon, ancien directeur de la chaîne Eurosport et PDG de In&Out Stories.
Pour Pierre Rondeau, économiste du sport, «le documentaire sportif vient de positionner dans une forme non pas de substitution mais de complémentarité, avec les programmes sportifs offerts aux abonnés des plateformes».
En concurrence avec Netflix, Amazon Prime a misé gros sur le développement de séries-docu sportifs. Après Manchester City en 2018, Amazon a récemment suivi la remontée du club historique de Leeds en Premier League, et la turbulente première saison de José Mourinho à Tottenham.
Selon Pierre Rondeau, ces contenus font partie d’ «une stratégie marketing qui permet de s’ancrer dans le paysage médiatico-sportif tout en limitant les frais», en tentant d’attirer des fans de sport sur la plateforme, qui a entre temps acquis une partie des droits de diffusion de la Premier League.
Les séries sportives prennent alors la fonction de «produit d’appel» pour augmenter le nombre d’abonnés. Une stratégie payante pour Amazon Prime, qui réalise des audiences comparables aux grandes chaînes de sport du Royaume-Uni sur certaines affiches de Premier League.