Apprivoiser les robots avec «Animachina» de Kroy
Kroy – de son vrai nom Camille Poliquin et moitié du duo Milk & Bone – a pensé Animachina, animisme et némésis, où le robot devient cocréateur d’un ballet déroutant, d’une symphonie surnaturelle. Cette série de sept performances vidéo résonne ainsi comme une invitation à reconsidérer les automates.
Rappelons qu’Animachina, animisme et némésis est présentée en primeur gratuitement au Centre PHI jusqu’au 30 janvier.
Retour sur une discussion avec l’artiste multidisciplinaire Kroy.
Comment le projet Animachina a-t-il vu le jour?
J’ai commencé à y réfléchir au début de la pandémie. Mes collaborateurs et moi étions angoissés de, peut-être, ne plus pouvoir être sur scène. Comme j’aime internet et la présence numérique, j’ai eu l’idée d’un concert alternatif sans musiciens. Est-ce que je pouvais entraîner quelque chose d’autre avec moi, comme des robots? C’est à ce moment qu’on m’a présenté Jonathon Anderson, de la Creative School de l’Université Ryerson à Toronto, qui a supervisé Animachina. Il est à la fois mon contraire et mon complément. Même s’il est ingénieur, il a un vrai côté artistique. De mon côté, la technologie m’attire énormément. Cette rencontre a permis d’explorer l’inanimé, l’humain et la musique.
Justement, quel était votre rapport avec les robots avant Animachina?
Je n’ai jamais vraiment eu peur du côté science-fiction des robots. Ils m’ont toujours intéressée, mais j’ai eu un déclic pendant un show alors qu’il y avait des moving lights au-dessus de moi. Leur mouvement, trop fluide pour ne pas être vivant et organique, m’a stressée. Ça ne se passait pas très bien. J’ai donc voulu louer une moving light pour la bricoler et me dire que je pouvais la contrôler. Évidemment, je ne savais pas comment faire ça seule! (Rires.)
Qu’en est-il aujourd’hui?
J’ai développé une relation émotionnelle avec les robots. Comme je n’avais pas accès à eux tout le temps pendant le processus de création d’Animachina, j’ai réalisé qu’ils me manquaient. Une amie m’a alors parlé de l’animisme en art numérique. C’était exactement ce que je ressentais. Je perçois les machines comme des collaborateurs, même si elles peuvent aussi devenir des ennemies…
Le résultat des vidéos est très plaisant à regarder, même si le tournage a été éprouvant, car il y a une part de dangerosité avec l’automatisme des robots.
Travailler avec des robots vient d’une obsession.
Kroy, à propos d’Animachina
Dans vos performances, on voit que le robot n’est pas au service de l’humain, mais qu’il s’agit plutôt d’interactions. Pouvez-vous nous en dire plus?
Je souhaitais une rencontre avec la machine. Ce que je préfère dans Animachina, c’est que le robot ne parle pas en BPM comme moi. Lui, il travaille en distance. Je n’ai donc pas eu le choix de m’adapter à son langage. Le contraire aurait été plus simple, mais peu intéressant.
Que vous a apporté cette expérience singulière?
Je ne me suis jamais autant sentie sur mon X que lorsque j’ai affronté les robots. C’est l’un de mes plus beaux accomplissements personnels. Nous sommes d’ailleurs en train de parler de futures collaborations avec Jonathon Anderson et ses machines! Pourquoi ne pas réaliser les performances dans une salle de spectacle?