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Spring Breakers : un conte de fées subversif

Photo: Collaboration spéciale
Michael-Oliver Harding - Métro

Dans Spring Breakers, l’enfant terrible Harmony Korine nous livre un conte de fées en chaleur pour public averti post-Disney.

Que penser de Spring Breakers, une expérience sensorielle aussi forte qu’une photo frappante de David LaChapelle? Certains y voient déjà le film culte d’une nouvelle génération, tandis que d’autres s’insurgent contre toute l’attention médiatique qui lui est accordée. Le réalisateur avant-gardiste Harmony Korine, qui a d’abord fait ses preuves comme enfant prodige scénariste du puissant et perturbant Kids, cultive toujours un flou des plus absolus quant à son œuvre, proposant des images frénétiques qui dérangent et fascinent à la fois.

Dans Spring Breakers, quatre collégiennes en chaleur (Ashley Benson, Rachel Korine et les reines Disney bientôt déchues que sont Vanessa Hudgens et Selena Gomez) se débarrassent de l’étiquette de sainte-nitouche qu’on leur colle en orchestrant un vol armé dans un restaurant crade, question de se payer un «spring break» des plus dépravés. Leur parcours de débauche extrême les conduit à Alien (James Franco à son plus jouissif), rappeur et gangster autoproclamé qu’on pourrait décrire comme un croisement inespéré entre RiFF RaFF et Hugh Heffner, dents en or à l’appui. Au fil des danses lascives et des virées obscènes distillées à l’état pur sous la lentille de Benoît Debie (Enter the Void), véritable peintre de l’image avec ses filtres phosphorescents, la semaine de dévergondage des collégiennes vire au cauchemar.

Tout comme le font leurs personnages, Korine a offert à ces actrices très sollicitées la chance de se défaire de leur image de star jeunesse très aseptisée. «Elles sont formidables et audacieuses à plusieurs égards, nous a dit Korine, rencontré au festival South By Southwest. Dans la vraie vie, elles incarnent une mythologie populaire. Mais elles voulaient essayer de nouvelles choses et prendre des risques. À mon grand bonheur, elles ont accepté mon invitation!»

Dès les premières images, le réalisateur de 40 ans nous happe avec ses gros plans peu subtils de bikinis et de torses bombés se démenant sur la plage ensoleillée au gré des basses tapageuses de Skrillex. «Le film dégage une énergie qui se rapproche plus d’un jeu vidéo, d’un poème ou d’une chanson que du cinéma classique. Je voulais travailler avec des compositeurs dont la musique a un élément très physique – quelque chose d’éblouissant, de subversif et de beau.»

Devrait-on y voir une critique sociale incisive sur les dérives d’une jeunesse nombriliste, ou plutôt l’ultime consécration de ce nihilisme made in USA? Ne comptez surtout pas sur Korine pour vous aiguiller. «J’imaginais des filles en bikini sur la plage en train de voler des touristes grassouillets. Ç’a été mon premier flash. J’ai élaboré le scénario à partir de là.»

Comme avec les tout aussi dérangeants Gummo et Trash Humpers, ce fauteur de troubles émérite mise sur l’ambiguïté plutôt que de nous imposer des façons de digérer ses films. C’est ce qui fait, à mon avis, sa grande force. «Vous êtes confuse, car vous ne savez pas ce que sera le sort final des personnages? a demandé Korine à une spectatrice après la première du film à Austin. J’ai choisi de terminer le film de la sorte afin que vous puissiez rêver un peu là-dessus. Pourquoi voulez-vous toujours qu’on vous donne tout cuit dans le bec?» a-t-il tranché, déclenchant un tonnerre d’applaudissements. «C’est bien de pouvoir rêver; tout devient possible.»

Fan de longue date
James Franco dit avoir été un fan de Harmony Korine depuis son secondaire, à l’époque où le film Kids est sorti en salle.

«Je n’étais pas acteur professionnel à l’époque, mais le film a eu un impact énorme sur moi, se souvient-il. J’ai découvert un film à propos de jeunes de mon âge, qui était complètement cru, aucunement complaisant, et qui faisait preuve d’une approche visuelle inédite. Quasiment 20 ans plus tard, lorsque nous avons travaillé ensemble, j’avais déjà l’impression de bien le connaître, comme si nous avions été au camp de jour ensemble.»

Spring Breakers
En salle dès vendredi

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