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Les mémoires affectives de Micheline Lanctôt

Jessica Émond-Ferrat - Métro

Micheline Lanctôt n’a pas eu à faire de recherches étoffées pour recréer l’ambiance d’une église des années 1950 dans Pour l’amour de Dieu. Chaque odeur, chaque son, chaque sensation étaient gravés dans sa mémoire.

«On a tourné dans de vrais lieux, imprégnés de cette ambiance d’époque, raconte la réalisatrice. C’était très troublant. Je crois que j’étais la seule sur le plateau qui était assez vieille pour se souvenir de ça, et j’ai travaillé très fort avec mes gars de son, par exemple, pour recréer les bruits exacts d’un confessionnal, ou encore le son que ça fait, dans une église pleine à craquer, quand tout le monde se lève en même temps.»

C’est justement un souvenir de Micheline Lanctôt qui est à l’origine du scénario de ce neuvième long métrage. Léonie, une fillette de 11 ans, et son enseignante, la sœur Cécile, tombent toutes deux sous le charme d’un père dominicain venu en visite à l’école. Sous l’œil jaloux de la petite, un amour impossible se développe entre les deux religieux, déchirés entre leur foi et leur passion.

Micheline Lanctôt joue un petit rôle dans le film, celui de Léonie devenue adulte.

Et ce n’est pas un hasard, puisque le coup de foudre de la fillette, la comédienne l’a elle-même vécu alors qu’elle était en 7e année, quand un père dominicain a visité sa classe. «J’ai essayé de retrouver cette émotion-là, parce qu’à 11 ans, on ne sait pas tellement ce qui arrive, mais c’est tellement intense et bouleversant que ça laisse des traces affectives», dit-elle.

Plusieurs années plus tard, grâce à des hasards de la vie, Micheline Lanctôt a obtenu l’adresse courriel de ce père qui l’avait tant troublée.

«J’ai repris contact avec la sœur qui l’avait fait venir à l’époque, et elle m’a appris qu’il allait être au Canada au mois de juillet cette année-là, se souvient-elle. Je l’ai donc revu… J’étais rouge comme une betterave, mon mari me regardait et n’en revenait pas! Je suis revenue chez nous et j’étais bouleversée.»

La cinéaste a ensuite eu besoin de trois ans avant d’avoir assez de recul pour mettre au point le scénario de Pour l’amour de Dieu. «J’en parlais à mes étudiants en scénarisation, je ne savais pas par quel bout prendre l’histoire, raconte-t-elle. J’ai inventé une histoire de rivalité amoureuse, parce que c’était la seule chose qui pouvait se passer.»

Micheline Lanctôt insiste sur une chose : en dépit du contexte religieux, son film demeure essentiellement une histoire d’amour. Mais si elle-même se définit comme «anti-dogmes», elle considère que «la société matérialiste dans laquelle on vit va finir par arriver dans un cul-de-sac» et qu’il faudra éventuellement que les gens retrouvent une certaine spiritualité pour donner une dimension à leur vie. «Je pense qu’on va se réconcilier avec ces années-là à plus ou moins brève échéance, affirme-t-elle.

C’était nécessaire, cette coupure. Dans les années 1950, l’église pesait sur le monde, dominait toutes les sphères de la société.» Mais cet affranchissement du clergé, déplore la réali­satrice, a créé un fossé générationnel. «Ça ne sert à rien de nier qu’on a un passé religieux, croit-elle. Ça fait partie de notre identité, au même titre que la langue et l’ethnie.»

Religieux et humains
Métro s’est entretenu avec la comédienne Madeleine Péloquin, qui interprète sœur Cécile dans Pour l’amour de Dieu, de Micheline Lanctôt.

Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce projet?
Quand j’ai rencontré Micheline, on a beaucoup parlé et on s’est rendu compte qu’on avait étudié au même collège de jeunes filles, avec des religieuses. Micheline avait envie de dépeindre ces personnes-là comme des gens admirables, qui l’ont entourée et éduquée, et j’étais ravie, parce que, pour une fois, je trouvais qu’on abordait les religieux d’une belle ma­nière, comme des êtres humains avec des troubles et des paradoxes, pleins de remises en question, comme tout le monde.

Vous aviez donc un bon rapport avec la religion…
J’avais côtoyé des religieuses, et pour moi, c’était un monde mystérieux, intriguant et fascinant : qui sont ces femmes? À quoi renoncent-elles, à quoi rêvent-elles? Qu’est-ce qu’elles cachent sous leurs robes? Il y a quelque chose de très romantique dans tout ça pour une jeune fille.

C’est un premier grand rôle au cinéma pour vous…
Oui! Au début, j’étais très heureuse, puis ensuite, complètement terrorisée! Mais c’est un si beau personnage. C’est un très beau défi pour une actrice. Il y a des scènes qui sont presque théâ­trales parce qu’elles contiennent des citations de psaumes.

Jouer un tel rôle finit-il par mettre un acteur en contact avec sa propre spiritualité?

C’est certain. Pour n’importe quel personnage, il faut se brancher sur le «moteur» de celui-ci. Ça nous confrontait donc à notre propre spiritualité. Il y avait aussi tous les lieux de tournage, où il règne une ambiance très spirituelle. C’était très serein, tout le monde était dans un bel état d’esprit. Et je crois que le film nous rappelle ce qu’il y a de magnifique dans le sentiment amoureux, tout comme dans la foi. 

Pour l’amour de Dieu
En salle dès vendredi

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