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#MeToo 5 ans plus tard vu par les artistes

Mariana Mazza, Sarah-Maude Beauchesne, Véronique Cloutier témoignent sur les 5 ans de #MeToo
Photo: Photos : Josie Desmarais/Métro

Qui de mieux que les artistes pour témoigner des changements dans le milieu depuis la première vague de #MoiAussi, en 2017? Des personnalités publiques ont accepté de nous faire part de constats sur leur industrie, où bien des agissements naguère jugés normaux, banaux, voire drôles, ne le sont plus aujourd’hui.  

La parole leur revient. 


Charlotte Le Bon

Cinéaste et comédienne

Charlotte LeBon réalise le film Falcon Lake
Photo : Denis Germain/Métro

Il y a encore énormément de travail à faire. J’ose espérer que ce n’est que le début. Je crois qu’il y a beaucoup de personnes qui auraient dû tomber qui sont toujours là.

Charlotte Le Bon

« En même temps, on vit dans une société tellement violente que je comprends toutes les victimes qui ne veulent pas parler. Il y a tellement de victim bashing, je comprends qu’elles veulent rester dans l’ombre. J’aime bien l’idée que les prédateurs vivent un peu dans la peur. Ça me réjouit vraiment beaucoup que ceux qui ne sont pas encore tombés dorment un peu plus mal, qu’ils sentent une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. »  

Véronique Cloutier 

Animatrice

L'animatrice Véronique Cloutier
Photo : Josie Desmarais/Métro

« Il y a vraiment eu une prise de conscience. Maintenant, il y a des choses qui ne passent plus sur les plateaux et qui passaient avant sous le signe de la rigolade. Je sais que beaucoup de maisons de production ont des politiques de harcèlement à faire signer aux employés, aux techniciens, à tout le monde. C’est vraiment ça, le mot, une prise de conscience, et c’est tant mieux. Il y a des choses qui ne devraient plus passer aujourd’hui. »  

Sara Montpetit

Comédienne

Sara Montpetit joue dans le film Falcon Lake de Charlotte LeBon
Photo : Denis Germain/Métro

J’entends beaucoup d’amies actrices qui vivent des expériences vraiment horribles sur les plateaux de tournage en raison de scènes d’intimité mal gérées.

Sara Montpetit

«On nous demande des choses et on est obligé de dire oui, sinon on passe pour l’actrice qui chiale, qui devient un fardeau pour l’équipe, qui doit rouler vite. C’est hyper difficile, ces scènes. Il faut que l’UDA [Union des artistes] instaure un conseil par rapport aux scènes d’intimité. On veut des coordinateurs d’intimité expérimentés. Ils en engagent maintenant, mais ils ne sont pas expérimentés. Ça donne encore aujourd’hui des scènes d’intimité faites maladroitement. Ça brise la confiance des actrices. J’entends des histoires de filles qui ont des traumas.»  

Sarah-Maude Beauchesne 

Autrice, scénariste et comédienne

Photo : Josie Desmarais/Métro

« Des moyens concrets et réels sont pris concernant, par exemple, les scènes d’intimité avec les coordonnatrices. On parle de ces scènes, on en prend soin, on communique plus quand elles sont délicates. On prend plus soin des comédiens et des comédiennes. Le rôle de coordonnatrice d’intimité vient solidifier ces promesses de changer les choses. Il y en a de plus en plus sur les plateaux de tournage. C’est tellement important qu’on prenne le temps de parler de ces scènes, de les analyser, de créer une atmosphère de sécurité. C’est une nouvelle priorité qui aurait dû en être une depuis toujours. Il faut faire des plateaux de tournage des espaces sécuritaires. On ne prend pas ces scènes à la légère. Des traumas, des expériences personnelles peuvent se mêler à ça, et ce n’est pas à négliger. » 

Mariana Mazza

Humoriste, comédienne, autrice, peintre 

Photo : Josie Desmarais/Métro

Beaucoup de beau s’est dégagé, en somme, une justice est ressortie, mais il manque un équilibre.

Mariana Mazza 

« Notre devoir, c’est d’écouter les victimes – je n’aime pas ce mot, je préfère parler de personnes qui ont subi des choses –, leur accorder la parole et les aider. Mais, selon moi, il devrait y avoir une échelle de gradation des actes commis. Il y a une analyse un peu plus concrète de certains gestes à faire: si un gars a été un trou de cul, ce n’est pas un violeur. On est dans un mouvement de justice, mais il faut faire attention aux vies qu’on démolit: à celles des victimes – et il faut faire notre travail par rapport à elles –, mais aussi à celles de gens mêlés à certaines choses et qui ne méritent pas toujours ce sort. Mais c’est à celles et ceux qui ont vécu de la douleur à faire cette échelle; moi, je ne suis qu’une observatrice dont les opinions n’ont pas la même valeur que ces filles ou ces gars-là. » 

Evelyne de la Chenelière

Dramaturge et comédienne

Evelyne de la Cheneliere
Photo : Julie Artacho

« J’observe aujourd’hui une sorte d’accord en train de se sceller pour un partage des responsabilités qui fait en sorte que chacun, chacune sait qu’il n’y aura désormais aucune place pour l’abus et que si quelqu’un en subit, ce ne sera pas seulement la responsabilité de la victime de poser ses limites ou de dénoncer un agresseur; ce sera la responsabilité de toute l’équipe d’y être attentive et de parler. Avant, chaque cas était par définition personnel; maintenant, j’ai le sentiment que chaque cas, tout personnel qu’il est, est d’office collectif. Il y a vraiment un bris de solitude qui marque un point de non-retour. Je ne dis pas que ça ne va plus arriver – je ne suis pas jovialiste, ce n’est pas la question –, mais il s’est écrit une page d’histoire qui fait qu’il n’y aura plus un tel isolement quand on subit quelque chose. »  

Emma Beko

Rappeuse

Emma Beko
Photo : Gracieuseté Socpens

« Je n’ai jamais toléré qu’un gars dise ou fasse quelque chose qui me rend inconfortable, mais peut-être que, maintenant, j’ai davantage confiance, je sens plus que j’ai le droit d’exprimer comment je me sens par rapport à ça. Même avec le mouvement MeToo, certains n’ont pas compris. J’ai beaucoup moins de patience. J’assume que you should know better. Je m’attends à mieux de tout le monde. Même pour un commentaire déplacé, fini le rire poli, tu vas te faire call out. Ce qui s’est passé avec Safia [Nolin] et Maripier [Morin] m’a aussi fait réfléchir. Je n’avais jamais pensé qu’une femme puisse être déplacée ou me faire sentir inconfortable, mais elles peuvent aussi. »  

Rosie Valland

Autrice-compositrice-interprète et réalisatrice

Rosie Valland auteure-compositrice-interprète
Photo : Gaëlle Leroyer

Comme femme, avant le mouvement, je tenais pour acquises plein de microagressions, ne serait-ce que le sentiment de ne pas être prise au sérieux autant que mes confrères dans mon métier. C’était juste le prix à payer.

Rosie Valland

« Les témoignages que j’ai lus m’ont permis de nommer des choses que j’ai vécues ou constatées autour de moi. Il y a eu une prise de conscience chez les hommes, ils n’ont pas eu le choix. Ç’a mené à de belles discussions dans les vans. Il y a une nouvelle sensibilité. Du côté des femmes dans les rôles techniques, il y a du travail à faire. Comme réalisatrice, je travaille avec beaucoup de jeunes femmes qui ont eu de mauvaises expériences avec des réalisateurs. Je me fais un devoir de déconstruire ça, de les remettre au centre de leur projet, de leur redonner confiance. Beaucoup de femmes considèrent que leur succès ne leur est pas dû. »  

Steve Gagnon

Dramaturge et comédien

Photo : Josie Desmarais/Métro

Avec la première vague, on a vu des actes criminels extrêmes. Avec la deuxième, on a vu que le spectre qui contribue à la culture du viol, de l’agression, du harcèlement est large. Tout le monde s’est senti concerné.

Steve Gagnon

« J’ai entendu des gens dire: “Oui, mais ça, on l’a tous déjà fait”, comme faire une entourloupette pour se retrouver chez une fille. Les commentaires déplacés, misogynes, qui objectifient les femmes ont énormément diminué autour de moi, comme homme. Maintenant, dès qu’il y a un commentaire du genre, il y a un grand malaise, la personne se reprend. Ça change beaucoup, beaucoup. Ça crée des milieux plus sains, plus respectueux. Durant les scènes d’intimité sur les plateaux, rapidement des gens offrent de faire un close set ou se retirent –  on voyait peu cette attention avant. Ç’a été un coup de massue dans le milieu du cinéma et de la télé. Mais ce n’est que mon point de vue d’homme, je sais que le problème est plus large et n’est pas réglé. »  

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