The Stranglers: retour géant
Les Stranglers, vétérans du punk rock britannique, s’arrêtent à Montréal pour présenter Giants, leur 17e album studio. Discussion avec le bassiste Jean-Jacques Burnel, qui nous parle des accomplissements du présent et des folles frasques du passé.
Vous avez affirmé que Giants était né de la prise de conscience «qu’il n’y a plus de grands hommes en ce bas monde». Il ne reste vraiment plus de «géants», d’après vous?
Non. Il n’y a plus de grands mouvements. On se tourne vers le matérialisme plutôt que vers les idées spirituelles. Nelson Mandela était un des derniers grands hommes. Quoique Margaret Thatcher soit morte aujourd’hui, vous étiez au courant? [oui, c’était ce matin-là…] Ces gens ont créé des divisions, ont été plus grands que nature. Au fond, peut-être que je voulais faire une diatribe contre la nature du monde réducteur, réduit, dans lequel nous vivons. On ne peut plus être seul. Tout le monde sait ce que tout le monde fait. Tout est devenu si petit.
Avez Baz [Warne, guitariste depuis 2000], vous avez établi une complicité qui peut s’apparenter à celle que vous aviez avec Hugh [Cornwell], à l’époque. Pensiez-vous retrouver une connexion musicale similaire un jour?
Non. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut fabriquer. C’est arrivé et le résultat, eh bien, vous pouvez l’entendre! Je crois que c’est plutôt réussi!
Parmi toutes les histoires qui entourent les Stranglers, il y a celle qui dit que Joe Strummer a pleuré sur votre épaule en se désolant de ne pas avoir un groupe tel que le vôtre. Mythe?
Eh non, c’est vraiment arrivé! Vous savez, c’était un homme rempli de contradictions! Il a eu une éducation assez privilégiée, mais il a préféré la cacher pour devenir populaire. Ce qui était OK… Mais il y a trop de faussetés qui entourent trop d’événements dont j’ai été témoin. Des mythes perpétués par les médias. Que voulez-vous, les gens n’aiment pas qu’on leur dise la vérité! Ils préfèrent vivre dans leur joli petit monde, plein de jolis petits rêves.
Votre musique a souvent été qualifiée de «dangereuse», et sur le plan de votre carrière, vous ne l’avez pas joué safe non plus…
Je ne sais pas. Moi, je trouve qu’on a été prudents, mais beaucoup de gens ont dit que nous avions commis plusieurs suicides artistiques! Cela dit, je trouve qu’on n’a jamais été aussi en forme qu’aujourd’hui, du moins pas dans les 30 dernières années! Les tournées européennes se multiplient sans arrêt. Soit c’est le bon moment pour nous, soit les gens ont fini par nous rattraper, parce que nous sommes rendus trop vieux et que nous ne courons plus aussi vite! (Rires)
Vous dites parfois que la violence à vos spectacles «est désormais verbale, plus que physique». Ça vient avec un certain soulagement?
La dernière fois qu’il y a eu de la violence à un de nos shows, c’était l’an dernier. Un spectateur m’a lancé une bouteille de bière et je lui ai donné une petite claque. Une «bitch slap»! Mais il y a eu une époque où c’était très violent, oui. On était précédés d’une réputation de «groupe le plus dur à cuire de Londres» et les gens venaient à nos concerts uniquement pour se taper dessus. Maintenant, ils viennent nous voir pour avoir du plaisir. Je dois vous dire que ça me plaît.
Vous avez souvent été banni dans votre temps…
Oh oui! Souvent! On a été bannis de pays entiers, carrément! Les gens avaient peur. Pas de nous, mais de ce que nous représentions. À la fois intellectuellement et physiquement.
Vous avez ouvert pour les Ramones lors de leur première tournée britannique. Quels souvenirs vous en gardez?
La seule chose dont je me souvient, c’est qu’après la deuxième soirée, je me suis battu avec Paul [Simonon], le bassiste des Clash. C’était lui, moi et nos groupes respectifs un en face de l’autre, comme dans un film hollywoodien. D’un côté, il y avait les Ramones, les Clash, les Pistols et des journalistes. Et de l’autre, il y avait nous. C’est là qu’a commencé la polarisation entre les Stranglers et tous les autres bands. Depuis ce temps, ça n’a pas changé. La presse préférait soutenir les Clash et les Pistols. Mais au final, il reste qui? Il reste nous. Les autres groupes sont morts! Pour paraphraser Shakespeare : «He who laughs last, laughs longest.»
Avez-vous senti l’opinion de la presse changer ces dernières années?
Envers nous? Oui. (Rires) Les journalistes commencent à être sympathiques!
The Stranglers
Au Théâtre Télus
Samedi à 21 h