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A World Not Ours: la vie, le foot, sur 1 km2

Photo: RIDM

La narration est joyeuse. La musique qui rythme les mots, jazzy, légère. Et les images, du moins la plupart, sont baignées de lumière. Fêtes de famille, garçons qui jouent, rigolades… Pourtant, A World Not Ours, documentaire réalisé par Mahdi Fleifel, se déroule dans le camp de réfugiés palestiniens Ain al-Hilweh.

Quand il était petit, Mahdi Fleifel se sentait à Ain al-Hilweh comme d’autres gamins se sentent à Disneyland. Après tout, dans le camp de réfugiés de 1 km2, il avait ses amis, son grand-père et son oncle qui l’amenait souvent voir des films de kung-fu et, parfois, des trucs un peu plus frivoles. Mais surtout, il avait le foot. Une passion que tous les Palestiniens partageaient et qui culminait en période de Coupe du monde. «Pendant la Coupe, tout le monde devenait quelqu’un d’autre, rappelle le réalisateur en voix off. Certains se faisaient Allemands, d’autres, Brésiliens, d’autres Italiens…»

Quand la famille de Mahdi s’est exilée au Danemark, le garçon était triste. Pas à sa place. Surtout lorsque papa garait la voiture devant la maison et faisait jouer de la musique arabe à plein volume. Il ne le disait pas tout haut, mais il rêvait de retourner là d’où il venait…

Attaché à ses racines, Mahdi Fleifel n’a pas oublié l’endroit où il est né. Suscitant l’incompréhension totale de ses copains européens, il est revenu passer ses étés à Ain al-Hilweh, année après année. Prenant le relais de son père, maniaque de la caméra, il s’est mis à filmer. Non, vraiment, à tout filmer. Son grand-père, resté seul après la mort de sa femme, qui passe désormais ses journées à écraser des coquerelles et à boire du thé sucré-sucré, son oncle Sayid, qui a vu son étoile pâlir et son titre passer de «héros local» à «fou du village», et son grand ami, Abu Eyad. Un homme vif et drôle, qui change imperceptiblement, petit à petit, devant la caméra. À chaque voyage, Mahdi lui trouve les yeux un peu plus éteints, les espoirs un peu plus minces, le sourire un peu plus triste.

Toutes ces histoires, le cinéaste nous les raconte dans A World Not Ours. Un film où il dépeint le camp, en se souvenant d’abord de sa vision d’enfant. Puis, au fur et à mesure qu’il grandit, qu’il réalise, qu’il comprend, il propose une autre approche, sans toutefois perdre de vue l’amour qu’il porte à cet endroit. Le documentaire bascule d’ailleurs en mi-parcours, lorsqu’il raconte cette année où tout a changé. Lui-même. Ses amis. Et la Coupe. «La France a battu le Brésil en finale», se désole-t-il.

Humain, sensible, lucide, ce film dépeint les paradoxes, les douleurs, l’ennui. Mais la grande force du cinéaste, ce sont ses personnages. On aura longtemps en mémoire cet ami, Abu Eyad, qui écoute Hasta Siempre en boucle, se sent coincé, étouffe. Et qui finit par avouer : «Ici, il n’y a pas d’avenir, pas de travail, pas d’éducation… Pas rien.»

A World Not Ours
À l’Excentris
Jeudi soir à 20 h
Dans le cadre de Docville

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